« Dans l’ombre de Charonne » de Alain et Désirée Frappier : pour ne pas oublier …

Maryse Douek-Tripier en a « marre d’être une rescapée », elle a gardé le silence sur le moment le plus douloureux de sa vie. Elle se confie à Désirée Frappier sur le massacre à la station de métro Charonne, le 8 février 1962.

La première bande dessinée des éditions Mauconduit est un document historique qui revient sur cet épisode tragique et peu connu.

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Un véritable travail d’historien de Désirée Frappier, qui a mené une enquête auprès de plusieurs personnes, présentes et témoins au moment du drame. Depuis la préface de Benjamin Stora :  « Le respect des faits historiquies et de l’émotion est un exercice toujours délicat », écrit-il « Mais tout cela est mis en scène finement, avec une sobriété bienvenue, un sens aigu des situations et ce goût du détail qui installe une atmosphère », jusqu’au témoignage de l’héroïne.

On vit aux côtés de Maryse au fil de pages, d’autres sujets sont abordées, comme l’exode des juifs égyptiens au moment de la guerre israélo-arabe, l’attente des papiers en France…, même le quotidien des lycéens français des années 60 est évoqué.

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Une leçon d’histoire sur chaque planche dessinée sans que l’on ne s’en rende compte.

charonne2Une très belle reconstitution de l’époque et des événements qui ont conduit aux 9 morts du métro Charonne.dans-ombre-charonne-magnifique-eclairage-sur-fevrier-1962_4_6388881

Férue d’histoire, je dois dire que cette BD m’a beaucoup apporté ! Elle a contribué à m’éclairer sur la guerre d’Algérie, la réaction en France de la population et des politiques… La France presque coupée en deux, les associations, les débats à l’école, dans les cafés…

Quand j’entendais parler de Charonne, cela faisait juste référence à un évènement de l’histoire de France, puisque ce que je l’avais appris lors de mes cours…

D’autres dates ont été évoquées lors du procès de Papon fin des années 90, notamment son implication lors de la manifestations des travailleurs algériens du 17 octobre 1961 contre le couvre-feu qu’il avait imposé en tant que préfet.

Mais je ne savais pas (honte à moi) que le 8 février 1962, des gens étaient morts écrasés dans les escaliers du métro. Que les policiers avaient jeté sur eux les grilles en fonte qui bordent les arbres.

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Pourtant je connais bien cet endroit, cette station… sans savoir … ces escaliers …. le 8 février 1962…

Une BD qui décrit, comme si on y était, l’appel à la dispersion de la manifestation dans le calme, la charge de la police, la furie, la panique, les corps piétinés et en panique qui cherchent à se réfugier dans la seule voie de secours qui s’offre à eux  : la bouche du métro Charonne…

Une manifestation sauvagement réprimée, qui fut un vrai choque à l’époque, ce qui a amené à s’interroger sur les pratiques de maintien de l’ordre en France…

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Une reconstitution historique très précise et documentée de manière sérieuse, sans être pesante.

Une belle initiative de devoir de mémoire dans le domaine de la BD.

 

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Alain Frappier est peintre, graphiste et illustrateur. Il s’allie avec Désirée Frappier et le duo signe « Dans l’ombre de Charonne » en 2012, « La vie sans mode d’emploi… » (2014) et « Le choix » en 2015 qui aborde la question de l’avortement.
site : http://www.alainfrappier.com/

 

 

 

Je comprends beaucoup mieux cette chanson de Renaud, après avoir lu cette BD.

Renaud « Hexagone » :

« Ils sont pas lourds, en février,

À se souvenir de Charonne,

Des matraqueurs assermentés

Qui fignolèrent leur besogne,

La France est un pays de flics,

À tous les coins d’rue y’en a 100,

Pour faire régner l’ordre public

Ils assassinent impunément. »

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Scénario :  Désirée Frappier – Dessin : Alain Frappier – Edition : Mauconduit – Planches : 136

Maryse, une jeune lycéenne de 17 ans, décide de participer avec ses copains de lycée à une manifestation contre le fascisme et pour la paix en Algérie. Nous sommes à Paris, en 1962.

Après 8 ans de guerre, l’indépendance de l’Algérie devient inéluctable. L’OAS, regroupant dans ses rangs les fervents défenseurs du dernier bastion d’un empire colonial agonisant, multiplie les attentats à la bombe sur la capitale. Le 8 février, après 14 attentats, dont un blessant grièvement une petite fille de quatre ans, des manifestants se regroupent dans Paris aux cris de «OAS assassins», «Paix en Algérie». La manifestation organisée par les syndicats est interdite par le préfet Maurice Papon. La répression est terrible. La police charge avec une violence extrême. Prise de panique, Maryse se retrouve projetée dans les marches du métro Charonne, ensevelie sous un magma humain, tandis que des policiers enragés frappent et jettent des grilles de fonte sur cet amoncellement de corps réduits à l’impuissance. Bilan de la manifestation : 9 morts, dont un jeune apprenti, et 250 blessés.
50 ans plus tard, Maryse Douek-Tripier, devenue sociologue, profondément marquée par ce drame dont elle est sortie miraculeusement indemne, livre son témoignage à Désirée Frappier. C’est une véritable histoire dans l’Histoire à laquelle nous invite l’auteur, restituant ce témoignage intime dans son contexte historique et tragique, tout en nous immergeant dans l’ambiance des années soixante : flippers, pick-ups, surboums, Nouvelle Vague, irruption de la société de consommation.

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Catégories :BD/Romans graphiques

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17 réponses

  1. Merci pour cette découverte.Je connais les évènements dont j’ai beaucoup parlé ces dernières semaines.

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  2. Et oui un bien triste point d’histoire… Charonne. Merci ma chère Julie pour la présentation de cette bd! Passe une belle journée…

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  3. Il me semble en avoir entendu parler, mais pas les détails… Bien la preuve que cette BD est utile!

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  4. Shame on me ! Je connaissais les paroles de Renaud, de la chanson « Hexagone » mais je ne savais pas à quoi il faisait référence, n’étant pas de l’Hexagone mais du « Plat Pays ». Là, je viens de m’en prendre plein la gueule et je me dis que j’aurais dû me renseigner… mais j’étais jeune et ensuite, j’ai oublié.

    Putain, ça fait pas beau à lire quand ce sont les flics qui ont… 😦

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  5. Thème ô combien important à aborder aujourd’hui dans un contexte où le maintien de l’ordre prend à nouveau le pas sur la sécurité des citoyens.

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