La Vie Silencieuse de la guerre de Denis Drummond

Ce n’est pas une lecture simple, ni simpliste, le sujet est grave mais abordé d’une manière que j’ai particulièrement apprécié. 

À travers quatre clichés, nous découvrons l’histoire d’un photographe de guerre et de son travail. Le prisme de la guerre saisit sur un instant présent, avec les interprétations que cela engendre, donne à ce livre, une saveur particulière, malgré un sujet dont l’horreur nous touche. 

Quatre photos, quatre conflits contemporains : Rwanda, Bosnie, Afghanistan, et Irak. Un déroulé qui colle à la chronologie et qui nous remet en mémoire les sensations à l’instant T.

Je n’étais pas insensible à ces conflits, cette lecture a tout fait remonté à la surface et je dois dire que cela m’a chamboulé. 

Je me suis remémoré ces sentiments d’horreur qui m’avaient saisis au moment où les informations nous « balançaient » les images… Nous sommes toujours dans le visuel, mais sous un angle bien différent. Ici, les photos d’un journaliste de guerre sont décortiquées et prennent tout leur sens.

Jeanne, l’ex-compagne d’Enguerrand, photographe de guerre récemment tué à Alep, transmet à Gilles, un galeriste sur Paris, le testament d’Enguerrand, sous forme de quatre enveloppes et autant de négatifs photos pour raconter les conflits et cette violence. Enguerrand, connaissait les limites de son métier de photographe et doutait de l’impact qu’elles pouvaient avoir. À travers ces clichés pris sur le vif, il voulait « montrer les yeux de la guerre dans le regard de Dieu ».

Quatre parties, quatre journées, chacune centrée sur la découverte d’un cliché. Celle du Rwanda rappelle l’ « Annonciation », où la Vierge n’a pas de tête. Celle de Bosnie, un ex-voto, emprunte aux « Ménines » de Vélasquez. Celle d’Afghanistan est un sténopé, une « camera obscura ». Et la dernière, celle d’Irak, rappelle le « Guernica » de Picasso, où un cheval agonit et une mère à l’enfant mort apostrophe le ciel assassin.

Chaque développement, donne lieu à une description détaillée, agissant comme un révélateur posthume. 

Le procédé narratif peut sembler lourd, puisque chaque personnage apporte ses impressions, c’est comme une balle que chacun renvoi à l’autre, mais il serait dommage de passer à côté de cette lecture, où le sacré et l’art s’imbriquent d’une manière assez poétique, malgré la gravité du sujet. 

J’ai aimé les phrases, la construction, mais il m’a manqué un peu d’émotion pour que cette lecture puisse me bouleverser. 

L’auteur s’est attaché à la perception, au ressenti, face aux images chocs et le pouvoir qu’elles ont sur l’être humain tout en mettant en exergue le négatif et le positif… À l’image de ces photos…

Jeanne,
Je pars demain pour Damas. Voilà tant d’années que je ne suis pas allé voir la guerre pour montrer son visage. Et j’ai peur, de nouveau, depuis ce que j’ai vu au Rwanda, peur de ne pas réussir à capter son regard, peur de ne faire que des instantanés qui ne montrent pas la guerre et ne représentent que ses fruits. Alors, tout en livrant aux agences ces clichés mineurs qui feraient les unes de la presse, j’ai prolongé une œuvre, restée secrète, constituée de quatre négatifs. Ce que cette œuvre donne à voir et que tu seras la première à découvrir ne se réduit à rien. Elle ouvre une dimension vertigineuse sur notre nature humaine.
Je te confie ce travail et te demande de le présenter à Gilles Lespale. Il tient une galerie sur les quais de Seine. Va le voir. Dans chacune des enveloppes, tu trouveras un négatif, le journal que j’ai tenu durant cette période, ainsi que des notes. Je n’ai réalisé aucun tirage papier de ces négatifs. Tu es seule détentrice des images. Mais s’agit-il encore d’images ?
Pardon d’ajouter du mystère à ta peine.
Et lorsque tu liras cela, sache que je serai à tes côtés.
Enguerrand
Rwanda, Bosnie, Afghanistan, Irak.
Une quête, une enquête.
Quatre carnets de guerre, quatre négatifs.
Quatre jours, un huis clos.
Une œuvre hors du commun, à la frontière de l’horreur et de la beauté.

Parution : 22 août 2019 – Editions Cherche Midi –  Pages : 320 – Genre : récit de guerre, photos

D’origine franco-écossaise, Denis Drummond est né en 1955 à Paris. Il est l’auteur de trois recueils de poésie (« Écoute s’il pleut », « Les Commencements graves » et « Écritures humaines ») et de deux romans (« La Ballade d’Ardrossan » et « Les Quatre Saisons de Mr Monet ») édités chez Domens.



Catégories :Contemporain

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11 réponses

  1. Le sujet m’intéresse beaucoup. L’histoire, la photographie, la guerre.. dur mais nécessaire de lire ces livres 🙂 Excellent weekend Julie 😉

    Aimé par 2 personnes

  2. Les émotions sont importantes dans ce genre de roman. Il m’intéresserait, j’aime le sujet (si je puis m’exprimer ainsi alors qu’on parle de conflits)…

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