Je parle comme je suis : Ce que nos mots disent de nous de Julie Neveux

Quand j’étais plus jeune, j’entendais souvent dire que les jeunes ne savaient plus parler correctement… Ce qui est drôle, c’est que maintenant que je suis moins jeune, c’est un discours que j’entends encore très souvent, et même beaucoup plus souvent.

L’auteure, à travers cet essai, propose d’une manière assez simple, accessible, mais surtout pleine d’humour de décortiquer ces mots, ces expressions qui sont le reflet de notre société.

Qui n’a pas été surpris par la généralisation de certains mots, tout droit hérités des réseaux sociaux, ou qui nous viennent des « banlieues »… Qui n’a pas déjà utilisé « Pardon, j’ai zappé de te rappeler, je suis en mode zombie là, on est sur un gros dossier, j’ai buggéEn vrai, je suis mort, faut vraiment que je déconnecte« . De nos jours, nous sommes en mode, souvent connectés, toujours sur Facebook à distribuer des like et des émoticons, traquer la fake news, réagir au buzz, et ponctuer nos phrases de du coup, en même temps, voilà, et bonne continuation.

Pour beaucoup, ces modifications linguistiques sont le reflet de l’appauvrissement de la langue, pour l’auteure, c’est au contraire une évolution reflet de notre société, de notre époque et de ses préoccupations. La manière dont elle présente les choses, je dois dire que c’est assez drôle tout en étant très documenté et cela donne un nouvel angle d’approche sur les modifications du langage qui peuvent nous rebuter.

Certaines expressions sont par ailleurs tirées de notre hyper connexion, ou permettent de donner plus de poids à ce qui nous arrive ou ce que l’on fait : l’emploi de la préposition « sur », qui donne à l’utilisateur de ladite préposition des airs d’expert : on est sur du 100 % coton bio, on est sur de la vache au lait cru… L’expression que l’on aime bien rajouter et que l’on entend souvent : « en mode » : en mode burn-out, en mode vacances, en mode cougar, qui fait référence au fonctionnement, aux boutons « on/off ». Le parallèle entre l’arrivée d’Internet et la révolution linguistique est très intéressant notamment avec l’utilisation de terme qui, il y a 20 ans n’étaient pas utilisés dans le langage courant : « Connecté », « bugger », « googl(is)er », « selfie », « hashtag » font référence à la Toile ou à nos téléphones portables.

A travers les mots, c’est toute une étude sociétale que l’auteure nous propose sans langue de bois, avec humour et pertinence. Les puristes peuvent dire ce qu’ils veulent, la langue évolue au gré de la société, elle s’enrichit.

En sept chapitres thématiques (les mots de l’homme-machine, des sentiments, le lexique féministe, l’homme social, nos tics de langage, les mots-médias, les termes écolos), Julie Neveux passe en revue nos expressions, rappelle leur origine, leur étymologie, leur sens littéral et leur emploi actuel pour nous dévoiler ce qu’ils disent de nous et de notre époque. D’une plume aussi savante que leste et drôle, enlevée et franchement décomplexée, elle nous emmène dans un voyage linguistique passionnant. Une enquête parfois effrayante, souvent stupéfiante, jubilatoire  !  

Parution : 16 septembre 2020 – Editeur : Grasset – Pages : 304 – Genre : essais, documentaire, linguistique

Julie Neveux, normalienne, agrégée d’anglais, est Maîtresse de Conférences en linguistique à l’Université de Paris-Sorbonne. Elle a déjà publié John Donne : Le sentiment dans la langue (Editions Rue d’Ulm, 2013). Elle est également dramaturge.



Catégories :Documentaire, essai...

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14 réponses

  1. Tes exemples m’ont vraiment fait sourire, je me serais cru à un repas du soir chez moi 😀

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  2. Merci pour cet article très intéressant Ju lit, ça donne envie de mettre le nez dans ce bouquin 😉

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  3. Les expressions qui me « gavent » le plus, ou qui me « saoulent » ce sont les « tu vois » mis à chaque fin de phrase (non, je ne vois pas) ou les « quoi » qui se foutent au fond de phrase, ajoutons aussi le « genre » (j’ai vu un mec, tu vois, genre trop beau gosse, quoi).

    Mais « blindé » est passé dans mon langage courant en parlant du métro ou du train, ainsi que « en schmet » pour dire « en douce » (avec en loucedé, en steomelings ou en black). 😆

    On a vieillit et maintenant, on trouve que les jeunes parlent mal… ce qu’on nous disait lorsque nous étions jeunes !

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    • Carrément! c’était déjà ce que l’n entendait et cela continuera à être… Mon fils me reprends souvent, il paraît que je ponctue mes phrases avec : »tu vois ce que je veux dire »… Je ne m’en rend même pas compte, mais à force de se faire reprendre par un gamin de 13 ans, je vais arriver à me débarrasser de cette expression. (il ne voit pas non plus… :-p )

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