Les avis de Myrlit : La Maison dans laquelle de Mariam Petrosyan

Roman écrit en russe par l’arménienne Mariam Petrosyan, La « Maison » accueille des enfants handicapés; des « roulants » en fauteuil, des « marcheurs » sans bras, des enfants psychologiquement fragiles et d’autres qui souffrent de déficience mentale. À leur arrivée dans l’établissement ils sont répartis dans des groupes et chaque groupe a son chef.

Les principaux narrateurs appartiennent presque tous au groupe 4. À côté du chef surnommé « L’Aveugle », on trouve « Sphinx », « Tobaqui », « Noiraud », « le Macédonien » et « Fumeur ». On suppose qu’ils sont tous arrivés dans « La Maison » vers l’âge de 6, 7 ans et devront tous la quitter à 18 ans. 18 ! Le nombre du malheur.

« Et s’en aller quand-même, retirer sa main de la main d’autrui, Comme si on déchirait à nouveau une plaie déjà guérie, Et s’en aller: où ? Dans l’incertain  » R.M.Rilke, « Le Départ du fils prodigue »

Pour oublier cette date fatidique et repousser l' »Extérieur » qui est synonyme de peur et de rejet, les enfants créent leur propre monde faisant de la « Maison » leur repère et leur raison d’exister. Tout ce qui se rapporte au monde extérieur d’où ils viennent est exclu d’emblée, absolument tout, jusqu’à leurs noms. À leur arrivée, chacun d’eux hérite d’un surnom donné par une marraine ou un parrain. Le directeur et les éducateurs dont il est peu question, n’échappent pas non plus à ce rituel.

La « Maison » est grise. Elle se situe quelque part entre un terrain défraîchi et une cité où d’autres enfants jouent en bas des tours. Les voisins trouvent la « Maison » sinistre et espèrent la voir disparaître. Ils ignorent qu’à l’intérieur c’est tout un autre décor qui se présente à nous.

Sous les mains des enfants les murs sont transformés en fresques, ils sont tapissés de couleurs, de dessins, de pensées philosophiques et de messages chiffrés. Dans ce monde à part seules les lois de la « Maison » s’appliquent. Chaque groupe a ses codes, ses devoirs et ses interdits qui sont loin des règles qui régissent notre société. Leur monde est fait d’entraide et d’amitiés indéfectibles, de secrets et de violence. Certains n’hésitent pas à pousser les limites du réel. Ils psalmodient des chants incantatoires, fabriquent des talismans, jettent des sorts, préparent des concoctions et basculent dans le psychédélique.

À l’approche du moment inévitable de la sortie définitive, ces grands adolescents vivent dans la terreur et l’angoisse au point que certains ne reculent devant rien afin d’éviter l’affrontement avec l' »Extérieur » qui les guette.

Si vous décidez un jour de lire ce roman choral, commencez par vous installer confortablement de façon à pouvoir porter ce livre qui pèse vraiment lourd. Ensuite, armez-vous de patience et de persévérance. Il en faut pour rassembler les pièces de ce puzzle géant que l’auteur a dispersées d’une façon anarchique.

Elle nous prive de tout repère capable de nous aider à relier les évènements entre eux ou de reconnaître les personnages qui changent de surnom. C’est ainsi que j’ai quitté la « Maison » sans avoir pu ouvrir toutes les portes, et certaines de mes questions sont restées sans réponses. Mais j’ai gardé en moi un peu de ces gamins loufoques, drôles, bizarres et parfois très violents. Je me suis attachée à eux que j’aurais tant voulu pouvoir repousser l’arrivée de leurs 18 ans.

Parution : 5 mars 2016 – Éditeur : Monsieur Toussaint Louverture – Traduction : Raphaëlle Pache – Pages : 1070 – Genre : thriller fantastique, roman initiatique, imaginaire, fantastique, roman choral

Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d’avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l’amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l’existence, et même quand vous serez seul, ça ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s’écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l’idée de devoir la quitter.



Catégories :Les avis de MyrlitBooks

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14 réponses

  1. Ok, je garderai à l’esprit qu’il n’est pas facile à lire… qu’il faut le lire avec toute sa te^te 🙂

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  2. Sur le même thème, il me souvient d’avoir, il y a quelques années, fait du soutien scolaire pour un jeune en difficulté. Ce jeune homme qui allait avoir 18 ans, avait vécu des choses vraiment horribles (euphémisme) dans sa jeunesse, et avait éte placé en foyer. Il était exclu de la société (et se moquait complètement des études), mais ses accompagnateurs redoutaient le moment où, âgé de 18 ans, il devrait quitter le foyer et se retrouverait à la rue. Finalement, c’était plus pour les éducateurs que pour ce jeune homme, qui se moquait ouvertement de moi, que je travaillais dans cet accompagnement scolaire (l’objectif était qu’il réussisse son bac avant d’être à la rue).

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  3. Je me souviens que ma fille a lu ce livre. Elle a été bouleversée par sa lecture et m’en a parlé longtemps

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