Ces deniers temps, je ressens moins le besoin de lire des polars ou des thrillers, pourtant ce que je lis me bouleverse bien plus. Même si je sais que c’est de la fiction, je sais aussi que le décor est bien réel. La littérature dite blanche, est bien plus sombre qu’il n’y parait, c’est même dans ce genre de littérature que j’ai fait mes plus belles lectures. Je lis de moins en moins de polars, j’ai besoin d’être ancrée dans une réalité. C’est assez étrange, certains lisent pour s’évader, moi aussi, mais j’ai besoin de ces romans noirs.
Ce qui m’a attiré en premier dans ce livre, c’est son titre ! Sabour m’a fait penser au mot en arabe qui veut dire patience, et qui, en fin de compte veut dire la même chose. La langue perse a les mêmes sonorités gutturales que l’arabe, ce qui m’a beaucoup intriguée.
Atiq Rahimi s’est glissé dans la peau de cette femme pour nous raconter, les désillusions, les violences, la guerre, mais sans jamais nous dire où elle se passe, pour donner une dimension plus grande au propos et ne pas l’enfermer à un pays. Même si on devine où l’auteur veut nous emmener.
Il donne la parole à celles qui n’en ont pas, à celles qui doivent se taire et il le fait avec une grande noblesse, puisqu’il s’efface en tant qu’homme, pour ne laisser que la femme s’exprimer. C’est un texte fort, rude, mais qui recèle une grande poésie par moment, c’est bien tout le paradoxe que met en lumière l’auteur, d’une littérature persane. C’est d’ailleurs le seul livre qu’il a écrit en français, peut-être une manière de s’extraire de sa langue maternelle pour pouvoir entièrement se laisser posséder par cette femme.
La tension monte peu à peu, de femme soumise, égrenant son chapelet, priant pour que son mari survive pour s’accrocher à la seule vie qu’elle connaisse, elle s’ouvre peu à peu et ses paroles douces, murmurées, se font insistantes, provocantes, elle hurle, sa rage à ce Dieu dont l’enfer est sur terre, sa haine à son mari, et son obscurantisme. Enfin libre, elle devient une femme.
En lui offrant une voix, Atiq Rahimi, donne à toutes les femmes opprimées, une perpétuelle reconnaissance pour qu’elles ne tombent pas dans l’oubli, et deviennent toutes des symboles : « Cette voix qui émerge de ma gorge, c’est la voix enfouie depuis des milliers d’années. »
C’est dur, émouvant, certains passages sont suffoquant, pourtant, on continue de lire, car on aimerait qu’une lueur d’espoir apparaisse. Jusqu’à la toute fin, on espère…
Un livre engagé, contre l’obscurantisme, l’extrémisme religieux, hommage à la poétesse afghane Nadia Anjuman, battue à mort par son mari.
Parution : 4 mars 2010 – Éditeur : Folio – Pages : 160 – Genre : roman noir, drame, Afghanistan, guerre, condition féminine, religion,
Syngué sabour [sége sabur] n.f. (du perse syngue » pierre « , et sabour » patiente « ). Pierre de patience. Dans la mythologie perse, il s’agit d’une pierre magique que l’on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères… On lui confie tout ce que l’on n’ose pas révéler aux autres… Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate… Et ce jour-là on est délivré. En Afghanistan peut-être ou ailleurs, une femme veille son mari blessé. Au fond, ils ne se connaissent pas. Les heures et les jours passent tandis que la guerre approche. Et la langue de la femme se délie, tisse le récit d’une vie d’humiliations, dans l’espoir d’une possible rédemption.
Catégories :Challenge Polars et Thrillers, Contemporain, Romans noirs, Thrillers/Polars
Belle découverte pour moi !
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Tu l’as lu ? C’est difficile de ne pas apprécier ce livre
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Oui, j’avais découvert cette voix comme universelle de la prise de conscience de l’oppression…
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Oui tu résume tout ! Je pense qu’on reste marqué par cette lecture… Excellente journée 🙂
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« Cette voix qui émerge de ma gorge, c’est la voix enfouie depuis des milliers d’années. »
Je trouve cette citation très forte et ton avis délicat quand le sujet est âpre et difficile. Je lis plutôt pour rêver et m’évader mais parfois, je pense qu’il est nécessaire de se plonger dans la réalité pour éveiller les consciences. Voir l’héroïne s’engager sur cette ouverture à la vie et à la liberté qui devrait être normale pour toutes a l’air d’être poignant…
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Je comprends tout à fait le besoin de s’évader, rêver, et sincèrement j’aimerais le faire. Bon je le fais lorsque je fais des incursions dans la littérature horrifique ou imaginaire avec les dystopies, uchronies… Mais je m’aperçois que cela reste assez sombre ! J’ai tendance, instinctivement à me diriger vers des lectures qui malmènent le lecteur :-p un côté maso :-p
Cette phrase reflète tellement de choses ! Elle pourrait être un slogan et sans avoir subi ce que l’héroïne vit, elle pourrait être la phrase de beaucoup de femmes…
C’est une lecture dérangeante, bouleversante !
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Mon côté maso littéraire me donne envie de lire ce livre aussi !! 🙂
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Je te reconnais bien là 😉
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Hihhihihi et en plus, je l’avais dans mon stock… 😉
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Tu n’as plus d’excuses 😉
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Ben si, il me reste l’excuse du temps 😆
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😝 Ah M…
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Cela se ressent dans ton avis…
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❤ Si j'ai réussi à retranscrire mon ressenti, j'en suis heureuse, car ce n'était pas facile de l'écrire…
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Effectivement ça a l’air dur, comme lecture… Mais nécessaire, sûrement!
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Je trouve que le biais de la littérature est très intéressant pour ce type de message. Nécessaire oui ! Mine de rien ce livre a eu plusieurs traductions permettant une lecture par le plus grand nombre. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas…
C’est comme ce qu’il se passe en Iran ou d’autres pays, on a tendance à ne pas vouloir voir, mais aujourd’hui ce qui se passe ailleurs a un impact, à un moment donné sur nous… Après, attention, je ne dis pas qu’il faut passer sa vie à s’inquiéter ou être dans l’angoisse. Je pense qu’il faut juste être au courant et peut-être qu’à travers nos lectures, cela donne à réfléchir à certains, lorsque l’on fait un avis (je ne suis pas du tout prétentieuse, je le constate lorsque je lis certains retours de blogs que je suis) 🙂
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Je suis tout à fait d’accord avec toi sur toute la ligne (encore un commentaire utile 😆 ).
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Aucun commentaire n’est inutile ! Ils apportent tous du piment à l’échange 🙂 Je suis ravie de lire que nous sommes d’accord :-p
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Merci Julie pour cette chronique qui me donne envie de découvrir ce roman. La lecture, si elle permet de nous vider la tête, de rire, de rêver, de partir à la découverte d’autres mondes et univers, est aussi là pour nous faire prendre conscience de la réalité du triste monde dans lequel nous vivons. Et comme vous, j’aime sortir de ma zone de confort pour me plonger dans des romans plus engagés ! Alors un grand merci pour tous ces partages diversifiés 😀
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Merci beaucoup Céline 🙂 Je suis ravie de vus faire découvrir ce roman. La littérature permet une incursion dans de multiples univers et donne la possibilité à chaque lecteur de trouver ce qui lui plait. J’essaie de plus en plus de diversifier mes lectures, et je dois dire que cela me réussit 🙂
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J’ai du mal à me plonger dans des récits aussi réels. Celui-ci a l’air franchement bouleversant !
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Je comprends ! Un polars on arrive à garder une distanciation mais là c’est vraiment différent. C’est comme lire un roman sur les femmes battues…
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