Rentrée littéraire 2023 – J’ai mille ans de Jean-Marie Quéméner


Amal est née au milieu de nulle part, dans un village d’orpailleurs et de contrebandiers au nord du Soudan, à deux pas de rien, dans la Maison rose, tout à la fois bordel et prison, habitée par des femmes magnifiques. Dont sa mère, splendide candace, majestueuse et protectrice.
L’exil comme seule issue, mère et fille quittent leur village, et se lancent dans un voyage peuplé de rencontres, d’amis, de dangers et de prédateurs. De rires et de pleurs. La Méditerranée puis l’Europe en ligne de mire. Le désert, ses nomades et ses guerriers, en mirage. Et, du haut de ses mille ans, Amal, avec sa naïveté de nouveau-né et sa sagesse de migrante, s’efforce de trouver une morale à l’absurde et au tragique, à chaque soubresaut de sa très jeune vie.

Parution : 24 août 2023 – Éditeur : Récamier – Pages : 224 – Genre : conte métaphorique, immigration, roman noir, thriller social,


J’ai mille ans. J’ai appris à rire au présent, à toiser au passé et à ignorer au futur. J’ai trop vécu pour me préoccuper d’une ligne hachurée… Ou pas assez…

Ce livre parle d’Amal, qui veut dire espoir en arabe. Espoir donné en prénom à une petite fille qui porte en elle toute l’espérance d’une vie meilleure, pour elle, et par elle. L’espoir vient par sa naissance, qui brisera les chaînes de la servitude de sa mère. L’espoir de cette mère que tout opprime, sa condition de femme dans un pays où elle a à peine le droit de vivre, mais aussi, sa condition de prostituée dans un pays où elle ne peut exister. Dans un pays où elle n’existe qu’en tant qu’objet. La fuite vers un possible avenir, vers la vie tout simplement.

l’auteur, ancien grand reporter, prend le parti de raconter ce qui se passe dans cette partie du globe, à travers les mots d’une petite fille qui vient de naître et qui a déjà mille ans. Mille ans de guerre, d’oppression et de dictature. Un conte métaphorique des temps modernes pour évoquer l’immigration et ses diverses raisons, jamais choisies par plaisir, mais toujours imposées par la nécessité.

A aucun moment, l’auteur ne tombe dans la facilité, le ton est d’une justesse bouleversante. Amal reste ce bébé avide de découverte et c’est par ses yeux que nous faisons connaissance avec le monde, avec les personnages d’une grande richesse qui jalonnent ce récit.

A travers Amal, c’est la voix de tous les migrants qu’on entend, c’est leur parcours qu’on suit. Les mots sont simples, sans exagération, c’est une histoire d’une fluidité saisissante, le lecteur vit la traversée, vit cette migration et c’est toute la force du récit.

La plume hachurée, poétique, aux chapitres courts, avec cette phrase : « J’ai mille ans », donne une dynamique, un rythme au récit où l’urgence est palpable, où la métaphore côtoie la beauté, où la laideur devient interrogation.

Plusieurs émotions m’ont traversé, à la fois la révolte, le dégoût et l’admiration. J’ai surtout été profondément bouleversée par Amal, par l’espoir qui l’entoure, par ce texte qui porte en lui toute la noirceur de l’humanité, mais aussi tous les espoirs. C’est à la fois splendide par la manière dont l’aborde l’auteur, mais aussi révoltant par ce qu’il décrit.

C’est un livre dont il est difficile de parler, car un drame se joue à nos portes et pourtant, nous préférons fermer les yeux. Reste ces hommes et ces femmes qui continuent à espérer et pour qui partir, tout abandonner est un geste de survie, de nécessité absolue et pourtant à chaque fois que nous préférons détourner le regard, nous perdons un peu plus de notre humanité.

C’est indéniablement Le livre de cette rentrée, d’une grande justesse et d’une grande profondeur. 

Je vous laisse découvrir le premier chapitre, disponible sur le site Lisez !

Ju lit les mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Contributrice journal 20 minutes – Membre the funky geek club




Catégories :Challenge Polars et Thrillers, Contemporain, Romans noirs, Thrillers/Polars

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11 réponses

  1. Quel joli nom !
    Le livre a l’air poignant et a l’air d’aborder avec justesse un sujet difficile…

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  2. Je suis tout à fait d’accord avec cette chronique ! A découvrir assurément ! Beau retour de lecture !

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  3. Il me semble qu’il y a une partie de ton billet sur « La leçon du mal » collé en haut de celui-ci.

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  4. Tes mots… donne énormément envie de lire ce livre qui semble magnifique et dur à la fois.
    Merci.

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  5. Merci Julie pour cette belle chronique.
    Un sujet dur, très difficile à traiter. J’ai lu les premières pages et la plume de l’auteur semble tomber comme un couperet, avec des phrases courtes et percutantes. La narration à travers le regard de ce bébé est intrigante, perturbante, assez peu commune, et cela donne une impression que j’ai du mal à définir (je dis cela dans un sens positif, cela renforce la puissance des mots). En tout cas, ce roman semble t’avoir beaucoup plu, ce que tu en dis et la lecture de ce premier chapitre me donne envie d’aller plus loin.

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    • Je suis ravie que ce livre éveille ta curiosité. C’est très difficile de poser les mots, la plume est simple mais la construction, les phrases courtes avec toujours ce J’ai mille ans, donne une urgence au texte et crée un compte à rebours parfois asphyxiant mais sans jamais l’être. J’ai retrouvé le même type de construction que dans La race des Orphelins d’Oscar Lalo sorti en 2020, que je peux désigner comme un coup de cœur. Ce qui chez moi n’est pas galvaudé ! Pour moi un coup de cœur c’est un livre qui te marque au point de rester imprégné en toi, même des années plus tard…

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Rétroliens

  1. C’est lundi, que lisez-vous ? #16 – Ju lit les mots

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