la langue des choses cachées de Cécile Coulon

“Car c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements.”

Cécile Coulon m’avait emportée avec Une bête au paradis, j’étais donc curieuse de découvrir son nouvel opus, La langue des choses cachées, et même si je l’ai lu il y a quelques semaines, j’avais besoin de faire décanter tout ça. Céline et Myrlit, sont toujours étonnées, lorsqu’elles voient arriver mes avis après quelques semaines… Mais j’ai besoin, pour certaines lectures, de prendre du temps avant de poser mes mots.

Lorsque j’ai posé le livre, je dois dire que j’étais incapable de dire ce que j’avais pu ressentir. Plusieurs sentiments, m’ont traversés comme des fulgurances impossibles à retenir, un fil ténu, tellement imperceptible de filaments troubles, d’interrogations, d’admiration où mon imagination a été emportée dans un monde dans lequel j’aurais pu me perdre.

Le lyrisme dont faite preuve l’auteure, et ce, dès le prologue nous embarque dans une violence d’une cruauté hypnotique poussée à son paroxysme, au cœur d’un village isolé de tout.

Cécile Coulon est ce petit feu follet qui m’embarque dans son univers fantasmagorique où la réalité est brouillée, tout en gardant un incroyable réalisme ancré dans un terroir réaliste, simple, sans aucune temporalité et où chaque personnage est nommé par ce qui le caractérise : le fils, la mère, le prêtre, l’enfant, l’homme aux épaules rouges…

Cette simplicité fait que chaque mot, est comme un pas qui nous fait avancer vers ces ombres retenues et que l’auteure libère peu à peu, dans laquelle chaque lecteur peut voir, ou entendre ces choses cachées, ces secrets qui viennent pourrir des générations, des injustices qu’il faut réparer pour que tous reprennent le cour de leurs vies. Le fils se fait à la fois guérisseur, justicier, il répare aussi bien les corps que les âmes.

« Il voir la longue table et il sait qu’ici des femmes ont été prises.Le bois : brossé de traces, de mains qui se sont agrippées à son bord, d’assiettes chaudes, de couteaux plantés, d’ongles cassés ».

L’auteure nous invite à nous connecter avec La langue des choses cachées, celles qu’on perçoit d’une manière imperceptible, mais qu’on écarte… Elle nous invite à nous réconcilier avec nos émotions, nos ressentis.

Elle réussit à m’entrainer entre les lignes, au point de me retrouver moi-même un personnage à part entière, prise entre ses filets, entre narration introspective et terre nourricière, je suis tout entière tendue vers la réalité qu’elle évoque.

« Au milieu de cette foule aveugle, titubante ( les hommes ), certains comprennent les choses cachées. Ils devinent en silence les grands tremblements du corps, les affaissements soudains du sang, ils possèdent le don, la force. Ils se mêlent aux autres et les soignent, les apaisent, ils ressemblent à des hommes et des femmes mais ils portent en eux des décennies de douleur et de joie, ils connaissent le feu, ils l’ont en eux, ils maîtrisent les flammes. »

Le livre est parsemé de murmures qui prennent vie, devenant une danse, un ballet, qui rassemble toutes ces voix tues, invisibles pour qu’enfin, on les entende et qu’elles ne tombent jamais dans l’oubli. À travers elles, l’auteure dénonce l’innommable et fait de son personnage principal un justicier au grand cœur, guérisseur des âmes et passeur de relais.

Cette narration poétique, scandée par des phrases courtes, crée une musicalité d’une densité incroyable, par laquelle le lecteur se laisse bercer sans jamais perdre son chemin. Jusqu’à la toute fin, lumineuse et révélatrice, où il se retrouve exsangue, vidé de toute substance, tellement la narration est poétiquement incroyable.


Parution : 11 janvier 2024 – Éditeur : Iconoclaste – Pages :134 – Genre : conte, conte initiatique, violence, femme

Il y avait là de petites villes avec leurs églises, quelques commerces, des champs, et au loin, la centrale. C’était un coin paisible entouré de montagnes et de forêts. Jusqu’à l’accident. Il a fallu évacuer, condamner la zone, fuir les radiations. Certains ont choisi de rester malgré tout. Trop de souvenirs les attachaient à ces lieux, ils n’auraient pas vraiment trouvé leur place ailleurs. Marc, Alessandro, Lorna, Sarah et Fred sont de ceux-là. Leur amitié leur permet de tenir bon, de se faire les témoins inutiles de ce désert humain à l’herbe grasse et à la terre empoisonnée. Rien ne devait les faire fléchir, les séparer. Il suffit pourtant d’une étincelle pour que renaisse la soif d’un avenir différent : un enfant bientôt sera parmi eux.

Ju lit les mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Contributrice journal 20 minutes – Membre the funky geek club




Catégories :Contemporain, Romans noirs

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19 réponses

  1. Il a l’air d’une belle intensité et hypnotique ce roman.

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  2. Waouh ! Quel magnifique partage ! Merci Julie ❤️.

    Ton bel avis tout en poésie me permet de me plonger à nouveau dans ce texte que j’ai trouvé absolument fascinant. Tout m’a plu, les personnages, l’atmosphère, le don, les mots de Cécile Coulon sont empreints de magie et d’une force incroyable. Grâce aux tiens je les ai retrouvés 😍.

    Aimé par 1 personne

    • Merci Céline ❤ Tes mots me touchent 🙂 J'ai été emportée par le lyrisme de l'auteure et autant je mets des semaines à écrire un avis, autant une fois que je le fais, je replonge directement dans le roman 😉 Je suis vraiment contente d'avoir réussi à renouveler tes émotions ❤

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  3. Je ne suis pas dans le mood pour ce genre de lecture en ce moment, mais tu me convaincs de mettre le titre de côté pour plus tard 😉

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  4. Un nouveau roman de Cécile Coulon ?

    Je me laisserais bien tenter !

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  5. Ta chronique est vraiment belle. Tu prends le temps de laisser décanter les choses et tu as raison, cela se ressent dans ton retour. Je note ce nouveau roman d’une Cécile Coulon qui m’avais émerveillée avec « Une bête au paradis. » Merci Julie ! 🙂

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  6. Je note… Je note… Merci Julie 😊

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  7. Ce mélange de sentiment à la fin de ta lecture montre que tu as traversé une expérience singulière. Entre la plume de l’auteur, les secrets longuement gardés, les injustices et les murmures, l’intrigue doit délivrer une belle puissance. En tout cas tu sembles conquise. 🙂

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Rétroliens

  1. C’est le 1er, version juin 2024 | Un Coup de Foudre

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