Les rêveurs définitifs – Camille de Peretti

J’ai toujours été fascinée par le travail effectué par les traducteurs et leur capacité à retranscrire ce que l’auteur voulait transmettre.

Premier roman que je lis de cette auteure, Camille de Peretti, qui mêle astucieusement fiction et réalité, loue la puissance de l’imaginaire et de la littérature, à travers son personnage central.

Emmanuelle, traductrice de métier, rêve de devenir un écrivain à part entière, au lieu de passer son temps à travailler sur les mots des autres, en traduisant des livres « feel good ». Rattrapée par des problèmes d’argent, elle est obligée d’accepter une mission de conseil chez Kiwi, un géant du web qui veut développer un logiciel de traduction infaillible. Son fils Quentin se rêve en « gameur » de génie.

A travers un sujet qui nous touche tous, l’auteure aborde des thèmes forts avec l’émergence de l’intelligence artificielle qui menace certaines professions, la possibilité qu’elle puisse égaler le travail humain, notamment dans la création d’une œuvre littéraire, à travers la traduction et la mise en exergue des subtilités du langage, de la reformulation tout en gardant l’essence même de l’œuvre originelle.

Chacun des personnages rêve sa vie ou imagine sa vie de rêve, ce qui est parfois assez déroutant, car les passages où l’imagination s’invite ne sont pas clairement apparents, j’ai été assez déstabilisée au départ, démêler la réalité des rêveries est assez troublant. Pourtant, on s’y fait peu à peu et on avance aux côtés d’Emmanuelle et Quentin. Une mise en avant de la place de l’imagination, de l’imaginaire, de la littérature et du pouvoir de l’écriture qui viennent se télescoper avec les nouvelles technologies.

Un roman avec une belle réflexion sur notre quotidien cherchant l’équilibre entre réalité et imaginaire. Mais c’est aussi et surtout un livre qui parle de solitude, des solitudes dans lesquelles sont plongés les personnages, et par transposition le lecteur qui ne peut que s’identifier à eux. Emma et son fils vivent sous le même toit, mais n’ont que peu de relations, chacun enfermé dans sa réalité. Non par manque d’amour, mais par manque de compréhension de l’univers de chacun. L’opposition entre les deux n’est pourtant pas une perte de sentiment, mais une construction de la place de chacun. Emma qui doit trouver sa place tout en s’épanouissant et Quentin un adolescent qui se cherche. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la densité que l’auteur a mise dans le personnage de l’enfant, du regard qu’il porte et sur son évolution. Ayant un ado du même âge, je dois dire que j’ai transposé certaines réflexions et j’y ai vu mon fils et nos discussions. À la différence d’Emma, qui ne sait pas comment aborder son fils et continue à le voir comme un enfant.

L’auteure, en peu de pages apporte une réflexion sur les relations familiales, la place de l’être humain dans notre société, des personnages attachants, auxquels on s’identifie facilement, grâce à une plume touchante, et agréable, parfois cinglante, un peu comme la vie en fin de compte.

Parution : 18 août 2021 – Éditeur : Calmann-Lévy – Pages : 288 – Genre : littérature contemporaine

Emma est traductrice et habite un petit appartement parisien avec Quentin, son fils de quatorze ans. Lasse de traduire des bluettes sans intérêt, elle rêve d’écrire un grand roman. Au lieu de quoi, rattrapée par des problèmes d’argent, elle est contrainte d’accepter une mission de conseil chez Kiwi, un géant du web qui veut développer un logiciel de traduction infaillible. Mais participer à cette entreprise, n’est-ce pas contribuer à rendre son métier inutile ? Tandis qu’Emma se débat dans ses contradictions, Quentin, lui, vit des aventures extraordinaires dans les jeux vidéo, et s’imagine en gameur de génie. Jusqu’au jour où il est contacté par une mystérieuse organisation qui veut s’attaquer à Kiwi. Plongés chacun dans une forme de réalité virtuelle qui risque de les éloigner, mère et fils vont se retrouver réunis dans la « vraie vie » par des enjeux qui les dépassent…Mêlant savamment fiction et réalité, Camille de Peretti convie ses lecteurs à un voyage ludique, qui questionne la puissance de l’imaginaire, du rêve et finalement de la littérature.



Catégories :Challenge Vice versa, Contemporain

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10 réponses

  1. Il y aurait beaucoup à dire sur ces notions de traduction, depuis le « traduttore, tradditore » (traducteur, traître) italien, à Borges qui prétendait qu’il avait été « inventé » par ses traducteurs français, trouvant que ces traductions étaient supérieures à ses textes d’origine.

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    • C’est tout l’art des bons traducteurs. Savoir s’effacer pour faire ressortir les mots, les intentions de l’auteur. Le traducteur du Trône de fer de Georges R.R. Martin a largement exploité l’œuvre et y a mis sa personnalité. D’où le souhait de refaire la traduction.

      Aimé par 2 personnes

  2. Ah oui ! Très intéressant 😀

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  3. Chronique sensible pour un roman bien construit, auquel il manque, pour moi, un petit quelque chose pour être un vrai coup de cœur de cette rentrée littéraire.

    Aimé par 1 personne

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