Les avis de Céline C. : Cent ans de solitude, Gabriel Garcia Marquez

… la solitude avait fini par trier ses souvenirs, avait incinéré les encombrants monceaux d’ordure nostalgique que la vie avait accumulés dans son cœur, et purifié, magnifié, rendu éternels les autres, les plus amers.

Ma première rencontre avec ce roman fut un échec. Il y a deux ou trois ans, je ne sais plus exactement, je découvrais, je ne sais plus où, la liste des romans qu’il faut absolument lire, surtout pour les apprentis écrivains. Plutôt réfractaire aux injonctions littéraires (aux injonctions en général, il faut bien l’avouer), je renâclai, rechignai, face à cette liste. Quelques uns de ces titres étaient déjà tombés, il y a fort longtemps, dans mon escarcelle de jeune lectrice (ils sont peu nombreux, au regard de mon inculture littéraire). Dans cet inventaire livresque, Gabriel Garcia Marquez me parut, à l’époque, être un bon compromis pour commencer : j’en avais entendu du bien, il était à la médiathèque, sage il m’attendait, et Cent ans de solitude, franchement, quel beau titre ! Malheureusement, entre Marquez et moi, il y eut comme une incompatibilité, de mon fait bien entendu, et je l’abandonnais lâchement au bout de seulement une quinzaine de pages.

Aujourd’hui, réapparait dans ma vie Cent ans de solitude, par l’intermédiaire d’une lecture commune d’un groupe littéraire, et d’une amoureuse des lettres, grande connaisseuse de la littérature, qui évoque cette œuvre avec affection. S’agit-il du même livre ? Diantre ! Mais oui ! Qu’avais-je loupé ? Et bien tout. Rebelle, certes, mais pas non plus campée sur mes positions, j’emprunte à nouveau le roman, qui m’attendait sagement à la médiathèque, depuis cent ans, et je me replonge dans cet océan de mots, attentive, concentrée. J’avais également dans ma manche, un atout, délivré par l’amoureuse des lettres (merci MyrlitBooks) : réaliser un arbre généalogique récapitulatif pour ne pas me perdre dans les méandres de la famille, dont il est question dans ce texte. Une clé pour résoudre l’énigme Marquez. Cette fois-ci, le rendez-vous se passa pour le mieux.

Ce préambule bla bla est un moyen de remplir le blanc de ma feuille numérique, puisqu’il m’est bien difficile de raconter ce Cent ans de solitude. Je n’ai jamais rien lu de tel. Deux mots me viennent immédiatement à l’esprit : étonnant et foisonnant.

Je suis entrée dans le vortex d’un vocabulaire très riche, d’images fantastiques, de folie narratrice et d’humour. J’ai beaucoup souri, en me demandant comment une telle histoire avait pu germer dans l’esprit de l’auteur.

L’histoire de ce village Macondo et de cette famille incroyable, les Buendia, dont on suit avec surprise les pérégrinations, avec qui on éprouve la solitude, tout le long d’un voyage onirique, émaillé d’aventures et de rencontres fantastiques, de guerres, de rebellions, et de morts. Derrière chaque page tournée, quelque chose d’autre se dissimulait, un retournement, un nouveau personnage, une situation rocambolesque. Jusqu’à cette fin, que j’ai trouvé particulièrement savoureuse.

Vous me direz, c’est bien peu comme avis sur cette lecture ! Et bien oui. La richesse de cette histoire, la narration vraiment incroyable, la façon dont l’auteur s’empare des vies des membres de cette famille est difficilement descriptible. C’est une œuvre exigeante, qui demande de l’implication, et qui je pense, se vit plus qu’elle ne s’explique.


Parution : novembre 1968 – Éditeur : Seuil – Pages : 480 – Genre : réalisme magique, littérature étrangère

Cent Ans de solitude. Épopée de la fondation, de la grandeur et de la décadence du village de Macondo, et de sa plus illustre famille de pionniers, aux prises avec l’histoire cruelle et dérisoire d’une de ces républiques latino-américaines tellement invraisemblables qu’elles nous paraissent encore en marge de l’Histoire, Cent Ans de solitude est ce théâtre géant où les mythes engendrent les hommes qui à leur tour engendrent les mythes, comme chez Homère, Cervantes ou Rabelais. Chronique universelle d’un microcosme isolé du reste du monde – avec sa fabuleuse genèse, l’histoire de sa dynastie, ses fléaux et ses guerres, ses constructions et ses destructions, son apocalypse – « boucle de temps » refermée dans un livre où l’auteur et le dernier de sa lignée de personnages apparaissent indissolublement complices, à cause de « faits réels auxquels personne ne croit plus mais qui avaient si bien affecté leur vie qu’ils se trouvaient tous deux, à la dérive, sur le ressac d’un monde révolu dont ne subsistait que la nostalgie ».


Ju lit les mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Contributrice journal 20 minutes – Membre the funky geek club



Catégories :Contemporain, Historique, Les avis de Céline C., Seuil

28 réponses

  1. Merci Julie 🥰

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  2. Céline, ça va te paraître fou, mais je sens comme une corde vibrante nous reliant tous les trois; le livre, toi et moi. Je me demandais comment tu allais pouvoir faire pour évoquer cette œuvre qui ne se résume pas! Et voilà que tu lui rends un bel hommage avec forte émotion. Tes mots sont comme des ondes qui transportent l’extase dont Cent ans t’a submergée et qui viennent inonder de plaisir celui qui te lit. Merci!

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  3. Je l’ai abandonné moi aussi lors d’un essai il y a fort longtemps mais tu me donnes envie de lui redonner une chanc. Je note l’astuce de l’arbre généalogique 😉.

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  4. Merci pour cette lecture qui n’est pas évidente, je l’ai lu trop jeune je pense, si bien que je l’avais aimé tout en n’y comprenant pas grand-chose.
    Bon c’est bête parce qu’à présent je n’ai plus du tout envie de le relire
    Moralité, il vaut mieux renâcler comme toi avant d’être capable de s’aventurer dans ce roman que de le lire prématurément !

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    • Merci beaucoup Hedwige ! C’est ce que je me dis aussi, maintenant que j’ai réussi à me plonger dans cette lecture exigeante, et que je l’ai apprécié, j’ai bien fait d’attendre le bon moment.

      Si tu l’avais aimé toi aussi, je pense que c’est l’essentiel !

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  5. j’ai eu un peu la même aventure que toi à propos de ce livre , j’ai dû m’y prendre à plusieurs fois. je le relirai volontiers pour le mettre sur Luocine.

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  6. Je ne l’ai encore jamais lu mais tu m’as donné terriblement envie !

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  7. Tu sembles avoir très bien fait de te retenter 🙂
    Il est dans ma wish list depuis un moment et ton avis me rend très très curieuse !

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  8. C’est un auteur que j’apprécie notamment pour son style d’écriture. Il y a des romans qui nous tombent des mains et puis quelques années après, on retente l’expérience et on a une révélation. C’est une belle expérience. Merci Céline pour ce joli retour ! 🙂

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  9. Rebelle et réfractaires aux injonctions, voilà un état d’esprit qui m’a fait sourire ! 😁
    Tu es bien dur avec toi même Céline, vraiment. Je ne l’ai jamais lu mais tu parles très bien de ce livre et rien que ta dernière phrase clôture à merveille ta chronique. Et tu ne peux pas parler d’inculture littéraire, je ne suis pas d’accord. Chaque livre est un bout de culture, peu importe que ce soit un classique ou un contemporain. 😉 En tout cas, j’ai beaucoup aimé te lire, merci pour cette belle présentation ! 😘

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    • Merci Ludivine, tu es adorable ! 🥰

      Tu as raison, chaque livre apporte quelque chose, et nous apprend parfois. Mais en tant que scientifique j’ai des lacunes importantes en culture littéraire, notamment sur les grands classiques ou auteurs contemporains. Je tente de les rattraper, et de gagner en légitimité 😉

      Pour la présentation, comme je rends très souvent visite à la forêt, elle m’offre ses parures pour mettre les romans en valeur (quand il ne pleut pas). Je prends juste la photo, et Julie met tout en forme !

      Merci encore pour tes gentils mots 😘

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      • Tu es trop modeste Céline, c’est un travail d’équipe que vous formez et c’est tout de même toi qui a pris cette photo. 🙂 Je comprends ton besoin de combler tes connaissances en classiques (j’en connais très peu aussi) mais est-ce que cela veut dire nécessairement que tu manques de légitimité dans ce domaine ? Tu as certainement d’autres références tout aussi intéressantes 😉
        Et de rien ! 😘

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