Les avis de Céline C. : Dur comme fer de Cécile Baudin


« Il se retourne pour observer la vallée en contrebas. Au-delà des rangées de maisons bien ordonnées, se dressent les aciéries de Longwy. La voilà, cette usine mythique, originelle. Celle qui emploie, paie, nourrit, éduque, distrait et loge. Mais également soumet, consume et, parfois, tue. Cet imprenable château aux multiples donjons enserrés dans d’étranges échafaudages, comme s’ils étaient en réfection. Autour du cœur vrombissant, des cheminées, des tours, des bâtiments larges, longs, tous magnifiques, comme si l’appareil de production se devait d’être beau. Elle occupe une surface immense, plate, une sorte de delta dessiné d’un côté par la voie ferrée, de l’autre par la rivière qui poursuit son cours au-delà, vers les collines. Et émergent en arrière-plan des montagnes artificielles, blanchâtres, assez anciennes pour que la végétation les grignote par le bas. »


J’ai rencontré la plume de Cécile Baudin avec La Constance de la louve, mon coup de cœur de l’année dernière. Après cette très belle découverte, j’ai lu son premier opus Marque de fabriques, que j’ai également beaucoup aimé. Quand j’ai appris qu’elle publiait son troisième roman, Dur comme fer, qui se déroule en Lorraine, ma région natale, j’ai bien entendu eu envie de le découvrir.

Que nous raconte Dur comme fer ?

Dans une première partie, le lecteur suit l’histoire de Ferdinando, dit Nando, un italien discret, qui est malheureusement contraint à l’exil, et se retrouve en Lorraine, où le besoin en main d’œuvre de ce nouveau siècle est important. Sa nouvelle vie, peu réjouissante et redoutable, est celle des mineurs de fer. Une vie de labeur, dans cette Lorraine âpre, qui n’aime guère ces émigrés venus d’Italie. Pourtant, Nando tente de vivre selon des préceptes d’honnêteté et se jure d’envoyer de l’argent à sa femme et à son fils restés au pays. Hélas, les troubles liés à la montée du syndicalisme, qu’il soit patronal ou ouvrier, apportent leur lot d’événements avec lesquels il devra composer, et qui l’emporteront malgré lui dans un tourbillon inévitable.

Dans la seconde partie, on rencontre le fils de Nando, devenu adulte, qui part à la recherche de son père. Il se retrouve à son tour dans cette région qu’il ne connaît pas, pour mener son enquête sur ce père disparu depuis plus de dix ans.

Cette construction du roman en deux temporalité est intéressante et donne du rythme à la lecture, et j’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteure a décliné la narration. Point de cadence trépidante ici, il s’agit d’un polar historique qui fait la part belle à l’époque et à la Lorraine des hauts-fourneaux. Et c’est vraiment ce que j’ai apprécié dans ce roman ; j’ai été transportée dans cette époque de changements, celle d’après-guerre (celle de 1870) où la Lorraine a été amputée d’une partie de ses communes, celle du développement industriel incroyable de la région, de la richesse extraite dans la douleur. Tout s’agence parfaitement, on découvre le mode de vie des mineurs, la Lorraine et ses industries, sans que cela ne pèse sur l’intrigue. L’intrigue « enquête » existe, Nando est embarqué dans une histoire pas très nette, et la première partie se termine sur des questionnements qui seront résolus dans la seconde partie, et même si on comprend vite de quoi il retourne, cela n’enlève rien au plaisir de suivre l’enquête du fils de Nando.

L’ensemble est porté par une plume que j’aime énormément, toute en délicatesse, élégante et riche ; c’est vraiment un grand plaisir de lire cette auteure.

Ce nouvel opus de Cécile Baudin est à nouveau une belle découverte, dans un genre différent des deux précédents, dans une autre ambiance que j’ai apprécié. J’ai hâte de découvrir ce que l’auteure nous réserve pour la suite, après ce génial triptyque.


Parution : 20 mars 2025 – Éditeur : Les Presses de la cité (collection Terres de France) – Pages : 405 – Genre :  policier historique, polar,  littérature française

Dur comme fer explore les méandres des mines au cœur de la Lorraine, où les malédictions poursuivent les hommes jusqu’au plus profond des galeries, les poussant à la révolte et au crime…
Par l’auteure de Marques de fabrique.

1901. Pour fuir la violence de sa famille mafieuse, Nando Russo choisit l’exil. Il devient mineur en Lorraine et apprend à arracher le fer à la montagne comme nombre de ses compatriotes italiens. Mais son passé le rattrape et le replonge dans une spirale meurtrière irrépressible.
1913. Antonio Russo arrive à son tour dans la vallée de la Chiers. Huit ans plus tôt, sa mère et lui ont brutalement perdu tout contact avec Nando. Antonio découvre le destin tragique qui a frappé son père et les crimes qu’on lui a imputés. Convaincu de son innocence, le jeune homme reprend une enquête biaisée par l’époque troublée. Avec l’aide d’un journaliste et d’une prostituée, il va creuser dans les faits et les faux-semblants, comme jadis son père dans les filons ferreux et les tunnels obscurs.

Mais la vérité est-elle toujours libératrice ?

Ciselé comme un diamant et dur comme le fer : le nouveau suspense de Cécile Baudin.


Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2024 au 11 Juillet 2025)


Ju lit les mots

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30 réponses

  1. Avatar de ducotedechezcyan

    La constance de la louve est dans ma WL. Je crois comprendre qu’il faut le lire en 1er?

    Je ne suis pas très amatrice d’histoires de mafia, mais les autres éléments de l’intrigue pourraient me plaire 🙂

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    • Il n’y a pas d’ordre de lecture, juste un ordre d’apparition des romans et leur temporalité, ils ne se suivent pas ; j’ai parlé de triptyque parce que l’auteure en parle de cette façon. La Constance de la louve est excellent, en tout cas c’est mon préféré des trois, et j’ai commencé par celui-ci (qui est le deuxième de l’auteure), donc tu peux y aller 😉

      Dans celui-ci, la mafia y fait une très courte apparition, juste pour planter le personnage principal et sa famille.

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  2. Ce n’est pas forcément le contexte historique qui m’attire le plus mais je comprends que ça t’ait plu vu que ça parle de ta région 😉

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  3. Je ne connaissais pas Cécile Baudin. Ça a l’air bien 👍 merci Céline pour la découverte, passes un bon weekend ☺️

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    • Avec plaisir Frédéric. Si tu veux aller voir, j’ai parlé de cette auteure avec un de ses romans pour lequel j’avais eu un véritable coup de cœur, La constance de la louve. C’est un très bon polar historique, très différent de celui-ci.

      Bon week-end ☺️

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  4. Je dois dire que la partie hauts fourneaux m’intéresse assez bien (trace de mon boulot, sans doute, car dans mes clients préférés se trouvent souvent les métallos qui ont un cœur énorme !). Je note surtout que tu vis en Lorraine… c’est pas si loin, la Lorraine ! 😉

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  5. Je suis très heureuse de lire ta chronique Céline, d’autant plus que le livre t’a plu et je ne doute pas que j’aime ce dernier roman autant que toi.

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  6. Aïe aïe, je n’ai toujours pas lu « La constance de la louve » malgré mes bonnes intentions, et voilà que mon retard s’aggrave encore d’un titre.Quel siècle terrible pour les travailleurs des mines ! En Belgique ce furent aussi celles du charbon et les ardoisières qui furent meurtrières.Tu as éveillé ma curiosité surtout que ce sont les mouvements syndicalistes qui semblent être à l’origine du drame vécu par le père.Merci pour ta présentation bouleversante de ce roman.

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    • Trop de livres à lire Hedwige ! (et parfois des manuscrits se mettent en travers de ton chemin de lectures 😉). Ce roman dépeint très bien cette période de développement industriel, en même temps que celui des mouvements syndicalistes, tout comme ce que la Belgique a vécu dans ces années-là, tu as raison.

      La Constance de la louve est génial, tout à fait différent, tant par l’histoire que par l’ambiance. Les deux sont très intéressants.

      Avec plaisir Hedwige, merci beaucoup de m’avoir lue. 😘

      J’aime

  7. Le contexte historique et social m’intéresse et j’apprécie l’idée de cette double temporalité permettant de s’intéresser au père et au fils sur les traces de ce père disparu.

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  8. je lis peu de polars mais j’aime bien découvrir une réalité sociale et souvent les auteurs de polars savent très bien faire ça !

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  9. J’ai encore plus envie de lire ce nouveau roman historique de Cécile Baudin après avoir lu ta chronique, chère Céline. Je ne suis pas originaire de Lorraine, mais j’y ai fait mes études, ma sœur y vit et surtout mon papa et un de mes oncles (son frère) ont travaillé dans la sidérurgie lorraine, donc je suis vraiment fort intéressée. Il est dans ma PAL. Merci pour ta très poignante chronique.

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    • Je me souviens que tu m’avais dit que ta sœur vivait à Nancy ou pas très loin 😉. Et si ton papa et un de tes oncles ont connu ce monde de la sidérurgie, ce roman devrait t’intéresser. Cécile a réussi à faire revivre cette époque industrielle d’une belle façon. Tu verras c’est très différent de La constance de la louve, mais l’écriture élégante de l’auteure est toujours présente.

      Avec plaisir chère Lilou et merci à toi de m’avoir lue ☺️

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  10. Pas de louve, dans celui-ci ! Je le note, parce que j’avais apprécié le précédent roman de l’autrice.

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