La passeuse de Michaël Prazan

Mon père nous a communiqué la culpabilité de la parole. Comme si se livrer était une transgression, une aventure, un écueil.

« Je suis né vingt-cinq ans après le retour des camps. La Shoah était partout.
Dans les sautes d’humeur, les non-dits, les ridules formées entre les yeux, jusque dans l’air que nous respirions… J’ai grandi avec les mots « Déportés », « camps de concentration », Holocauste », Ceux de « Génocide », « Shoah », « Camps d’extermination » sont venus…plus tard »

Un récit qui explore à la fois une histoire familiale douloureuse, mais aussi l’Histoire. La petite histoire dans la grande où comment se reconstruire après un drame qui a touché des millions de personne.

Un très bon documentaire en deux parties, avec le témoignage du père de l’auteur : Bernard Prazan, et la seconde avec la passeuse, qui a aidé Bernard à passer en zone libre pendant la seconde guerre mondiale.

Grâce à la construction en deux partie, les points de vue se superposent entre celui de l’enfant et celui de la passeuse, devenue une vieille dame mais qui n’a rien oublié, alors que l’enfant était persuadé que celle-ci allait les livrer aux allemands !

Loin de faire pleurer dans les chaumières, l’auteur, tente à travers l’histoire de son père, de comprendre ce pan de l’histoire familial, et à travers cela les origines de sa famille. Durant cette triste période, des enfants ont été confiés à des inconnus qui ont parfois été leurs sauveurs, mais parfois aussi leur meurtrier. On les appel les passeurs, les passeuses.

 » L’histoire, c’est la passion des fils qui voudraient comprendre les pères « 

C’est un récit tout en pudeur, d’une rare minutie où les recherches historiques sont incroyablement documentées. Mais c’est aussi un bel hommage que de donner la parole à ce père taiseux et sans ce livre, nous serions passés à côté d’une histoire qui malgré l’horreur, donne de l’espoir.


Parution poche : 15 mai 2024 – Éditeur : Rivages – Pages : 368 – Genre : persécution, seconde guerre mondiale, témoignage, enfance, souvenirs, shoah

1942, quai de la gare des Aubrais : Bernard Prazan, 7 ans, serre fort la main de Thérèse Léopold qu’il doit appeler Tata mais qu’il connaît à peine. Quelques heures plus tôt, sa véritable tante les a confiés, lui et sa sœur, à cette inconnue pour qu’elle les fasse passer en zone libre. Mais au moment de quitter la gare, l’enfant comprend au regard de la passeuse qu’elle va les livrer aux Allemands. Pourtant, elle se ravise et les sauve. Dénoncée à son tour pour ce geste héroïque, elle sera déportée à Auschwitz-Birkenau, Mauthausen puis Ravensbrück. Elle en reviendra. De son vivant, Bernard a toujours affirmé à ses enfants qu’elle travaillait pour la Gestapo. Qui était-elle vraiment ? Une collabo repentie ou une Juste ignorée ?
Pour connaître la vérité, Michaël Prazan s’est lancé dans la grande enquête de sa vie : celle de ses origines. Mêlant l’histoire de son père, enfant caché et homme taiseux, et celle de la passeuse qu’il a retrouvée et interrogée, il livre le récit bouleversant d’une famille persécutée et d’un sauvetage énigmatique. Car l’Histoire n’est pas peuplée que de héros ou de salauds. On le voudrait parfois. Les choses seraient plus simples.


Ju lit Les Mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes –




Catégories :Documentaire, essai..., Historique, Rivages

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10 réponses

  1. Merci pour la découverte. J’apprécie ce genre de livre qui mêle petite et grande histoire. Et la construction du récit avec les deux points de vue semble intéressante.

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  2. Merci Julie pour ce partage. Si je comprends bien ce n’est pas une fiction mais un témoignage, c’est bien ça ?

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  3. Avatar de ducotedechezcyan

    J’ai été surprise quand tu as parlé de documentaire, le livre ressemble à un roman, que ce soit la couverture ou la 1e partie du résumé.

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  4. Je ne suis pas amatrice de récit, mais cette enquête semble poignante.

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Rétroliens

  1. Michaël Prazan – Ju lit les mots

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