Affamée de Raven Leilani – Un récit mordant en quête d’identité


Avec eux [les hommes], j’ai commis des erreurs. Je me suis jetée à leurs pieds quand ils ont voulu partir. Je les ai poursuivis dans le couloir de mon immeuble avec un flacon de Listerine en disant, Je peux être un roman de plage, je peux tirer un trait sur toutes ces clauses, s’il te plaît, je vais corriger 


Avec Affamée, Raven Leilani signe un premier roman audacieux, à la fois brutal et profondément intime. L’histoire d’Edie, jeune femme afro-américaine de 23 ans, précarisée, désabusée et affamée de tout, résonne avec une intensité rare. Entre son job sans avenir, sa sexualité débridée et son rapport compliqué aux autres, elle se lance dans une liaison avec Eric, un homme blanc marié, et se retrouve, contre toute attente, à vivre sous le même toit que lui, sa femme et leur fille adoptive noire.

Dès les premières pages, l’auteure impose un mélange de cynisme et de vulnérabilité, pour capter l’attention. Le livre est parsemé d’envies contradictoires, d’angoisses et de solitude, dans une société où tout est fragmenté, y compris les relations humaines.

La narration à la première personne épouse les pensées d’Edie, dans un flot d’images brutes, de digressions et d’humour grinçant. L’écriture est tantôt poétique, tantôt crue, mais toujours juste. J’ai parfois peiné à m’y retrouver entre ses différentes digressions, j’ai dû relire certains passages pour reprendre le fil de la lecture. Les scènes s’enchaînent avec une forme de chaos, reflétant l’instabilité émotionnelle et financière d’Edie. Ce réalisme sans fard, donne une certaine authenticité au récit.

Affamée n’est pas seulement un roman de mœurs, c’est aussi une critique sociale de la précarité de cette jeunesse, empêtrée dans des emplois mal payés et des loyers exorbitants. Avec une touche de racisme systémique et d’isolement des personnes noires. On y aborde aussi la sexualisation du corps féminin. Des sujets très actuels que l’on trouve de plus en plus dans la littérature écrite par la jeune génération, aux Etats-Unis. Et c’est en partie ce qui a fait son succès outre-Atlantique.

« – Tu penses qu’en cédant à des pulsions que tu ne vois pas l’intérêt de contrôler, tu es du genre black power. Tu penses être en train de baiser l’homme blanc ou quelque chose comme ça. Mais tu es exactement ce qu’ils attendent. Je comprends l’envie de résister à leurs exigences. Mais eux peuvent se permettre d’être médiocres. Pas nous.

– Médiocre ?

– Je refuse d’être associée à ça. En fait, il existe une petite fenêtre d’opportunité, à l’endroit où ils ignorent à quel point tu es noire, et il faut s’y glisser. Il faut entrer dans la pièce. Je ferai la gentille petite Noire si nécessaire jusqu’à ce que je puisse entrer dans la pièce tout en haut. »

Un roman qui dresse un portrait sans filtre d’une jeunesse en quête de sens, dans un monde qui l’épuise et la dévore. Si vous aimez les récits incisifs, drôles et mélancoliques, Affamée est une lecture à ne pas manquer.

Je remercie les éditions Cherche Midi et Netgalley pour l’envoi de ce titre.

Parution : 25 février 2021 – Editions : Cherche Midi – Pages : 320 – Traduction : Nathalie Bru – Genre : littérature américaine, roman initiatique, racisme, psychologie,

Edie, jeune Afro-Américaine, a décroché un poste dans l’édition, mais il semble toujours y avoir quelqu’un de plus respectable ou de plus  » blanc  » prêt à prendre sa place. Côté sexe, sa vie est assez débridée, mais sentimentalement les résultats ne sont guère satisfaisants. Or voilà qu’elle rencontre – par Internet – Eric, un homme blanc plus âgé qu’elle, avec qui elle entame une aventure aussi torride qu’ambiguë. Elle fait bientôt la connaissance de son épouse, qui lui propose de venir habiter chez eux pour s’occuper de leur fille adoptive, une adolescente afro-américaine un peu perdue dans ce milieu huppé.
La cohabitation – floue, sous tension – va exacerber les conflits latents, et générer des situations pour le moins inhabituelles, sur fond de séduction et d’incompréhension.

Avec ce premier roman aussi sulfureux que dérangeant, Raven Leilani dresse un tableau acerbe des liens sociaux et raciaux dans l’Amérique contemporaine, où tabous et fantasmes mènent la danse.


Ju lit Les Mots
– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des
auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20
minutes



Catégories :Cherche midi, Contemporain, Littérature américaine

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17 réponses

  1. En ce moment je lis beaucoup de littérature jeunesse réaliste et avec beaucoup d’humour. J’ai Affamée dans ma PAL et je me le gardais pour plus tard mais je pense que je vais me le ressortir pour ma prochaine lecture !

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  2. C’est très intrigant !!

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  3. Ce roman semble porter un regard acéré sur la société américaine actuelle. Je me le note.

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  4. J’aime bien trouvé sur le blog le nom du traducteur , avant que les livres soient tous traduits par l’IA !!!!

    ce roman est bien présenté mais je ne crois pas que je vais le lire trop dur sans doute ?

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    • Je trouve important de citer le traducteur, je ne le faisais pas avant et finalement j’ai réalisé que sans eux, nous ne pourrions pas faire d’aussi belles lectures 😉 Je ne pense pas qu’il puisse te plaire 😉

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  5. J’aime beaucoup la littérature américaine. Je trouve qu’ils ont une grande faculté à aborder des thématiques encore tabou en France. Ils ont une nouvelle génération très talentueuse. Merci Julie pour ce beau retour 👍🙂

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  6. Merci Julie pour cette découverte, pas certaine que ce type de roman me plaise 😉

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  7. La critique sociale m’intéresse mais je t’avoue que j’ai du mal quand il y a de l’adultère…

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  8. Je suis trop en contact avec des « jeunes en quête de sens » (mais sans la précarité de l’emploi et avec le loyer payé par papa-maman) pour me plonger dedans sans a priori 🙃

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Rétroliens

  1. Passeport littéraire : Amériques – Entre rêves, luttes et métamorphoses – Ju lit Les Mots

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