Les avis de MyrlitBooks : Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde


Dans le monde ordinaire des faits, les méchants ne sont jamais punis, ni les bons récompensés. Le succès est donné aux forts, l’échec imposé aux faibles


Au début fut le mot.

Les mots sont le socle de l’édifice wildien. Des mots qui engendrent des maux. Mais quand les mots s’unissent à l’art, les maux prennent des allures épiques.

Les ramifications de l’épopée de Dorian Gray sont dantesques. La jeunesse éternelle est un venin qui s’infiltre dans les veines de tous ceux qui croisent le chemin du beau dandy. L’hédonisme est élevé au rang d’une divinité cruelle qui terrasse ses adorateurs avant de livrer la morale de l’essence existentielle, sans ambiguïté.

En dressant un tableau peu glorieux de la société anglaise de son époque, Wilde crée un patchwork à la fois réaliste et

surréalo-fantastique. Cette œuvre sublime célèbre le culte de la beauté et de la jeunesse éternelle. L’immoralité sournoise de certains personnages nous est offerte dans des coupelles cristallines brillant de mille feux. Et nous nous en extasions.

Ce bonheur de lecture, et c’en est assurément un, est largement dû au travail d’orfèvre de Vladimir Volkoff, le traducteur. Toutes les subtilités des mots, toute la force du texte sont rendues avec une finesse qui enchante et emporte le lecteur dans l’écriture éthérée de Wilde. La fluidité du style nous embarque dans une aventure hors du temps, hors de tout.

Sans bruit, les ombres du jardin rentraient furtivement sur leurs pieds d’argent. Les couleurs épuisées abandonnaient les objets qui se fanaient

Le charme de ce texte réside dans le paradoxe entre la cruauté exubérante des personnages et la délicatesse d’un style incomparable.

Wilde a frôlé la perfection avec son “Portrait de Dorian Gray”. Il a flirté avec les Olympes, avant de se fracasser sur l’autel du plagiat. Ça aurait été trop beau sans cette fêlure venue rompre le charme. Un grain de sable a malheureusement fait dérailler la machine enchanteresse afin de nous rappeler que, finalement, Oscar Wilde n’était pas un demi-dieu, mais un pauvre pécheur échoué de son piédestal.

Des passages entiers proviennent d’œuvres écrites par d’autres. Mais pourquoi donc ? Quelle mouche t’a piqué Oscar ? Commettre l’irréparable pour une vulgaire description de tapisseries et de pierres précieuses ?? Le jeu en valait-il la chandelle ? Était-il vital de casser le mythe et de précipiter notre chute pour apprendre quelques détails superflus sur les indiens d’Amérique? D’ailleurs, un changement de style et un manque de finesse flagrant se font sentir dans ces passages. Même si l’on ignorait le pot aux roses, comment pourrait-on ne pas remarquer ces camelotes qui se sont greffées sur le diamant incandescent ?

Quel jugement tirer alors ?

Tout simplement, garder ce joyau à sa place au sein de la constellation littéraire. Y retourner de temps en temps pour le laisser se dévoiler un peu plus à chaque relecture.


Parution : 1972 – Editions : Le Livre de Poche – Pages : 256 – Genre : littérature française, classique,

«Au centre de la pièce, fixé à un chevalet droit, se dressait le portrait en pied d’un jeune homme d’une extraordinaire beauté physique, devant lequel, à peu de distance, se tenait assis le peintre lui-même, Basil Hallward, celui dont, il y a quelques années, la disparition soudaine a, sur le moment, tant ému le public et donné lieu à d’étranges conjectures.»
Or Dorian Gray, jeune dandy séducteur et mondain, a fait ce voeu insensé : garder toujours l’éclat de sa beauté, tandis que le visage peint sur la toile assumerait le fardeau de ses passions et de ses péchés. Et de fait, seul vieillit le portrait où se peint l’âme noire de Dorian qui, bien plus tard, dira au peintre : «Chacun de nous porte en soi le ciel et l’enfer.»
Et ce livre lui-même est double : il nous conduit dans un Londres lugubre et louche, noyé dans le brouillard et les vapeurs d’opium, mais nous ouvre également la comédie de salon des beaux quartiers. Lorsqu’il parut, en 1890, il fut considéré comme immoral. Mais sa singularité, bien plutôt, est d’être un roman réaliste, tout ensemble, et un roman d’esthète – fascinants, l’un et l’autre, d’une étrangeté qui touche au fantastique.


Ju lit Les Mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes –




Catégories :Classique, Le livre de Poche, Les avis de MyrlitBooks, Littérature française

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28 réponses

  1. J’ai mis ce livre au programme de mes « re »lectures mais j’ai reçu trop de sollicitations pour mettre ce projet à exécution

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  2. Merci Myriam pour cette très belle chronique. Je n’avais pas connaissance de cette histoire de plagiat !

    Je n’ai pas encore lu ce roman, je l’ai débuté mais j’ai dû rendre le livre à la médiathèque. Heureusement je l’ai trouvé en poche vraiment pas cher ☺️, et je vais pouvoir prendre le temps de le lire ; les premières pages m’avaient enchantée.

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  3. Je ne savais pas pour le plagiat (ou j’avais oublié) qui entache ma relecture, dans une autre traduction, que j’avais adorée ! Je suis totalement dépitée…

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  4. Oh oui, quel texte brillant! Mais le plagiat, ce n’est pas joli-joli 😠.

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  5. C’est un livre qui dort dans ma PAL alors que je voulais absolument le lire… j’avoue que cette histoire de plagiat me choque et douche un peu mon enthousiasme. Merci pour ta chronique qui éclaire les choses…

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  6. Je l’ai lu il y a quelques années. J’ignorais tout de cette histoire de plagiat, en revanche, et je trouve ça bien que certaines éditions indiquent les passages plagiés.

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  7. Je ne lire pas. Mais je veux changer ça! J’entends bonne choses de cette livre.

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  8. Un roman que j’ai lu deux fois (dont la seconde, dans une version non censurée) et que j’ai toujours adoré. Mais je ne savais pas qu’il avait plagié certains passages de son roman :/ Bon, ça ne changera rien à mon ressenti, j’ai adoré ce roman.

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Rétroliens

  1. C’est lundi, que lisons-nous ? #29 – Ju lit Les Mots

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