Peut-être que quelqu’un me lira, nous lira. Parfois je me dis que cela n’a aucune importance. Pourquoi prendre de tels risques avec ce livre de la nuit ? Mais j’en ai besoin, car si j’écris, c’est que c’était réel, si j’écris, nous ne serons peut-être pas juste un rêve contenu dans une planète, un univers caché dans l’imagination de quelqu’un…
Chacun de ces mots renferme mon pouls.
Mon sang.
Ma respiration.

Après Cadavre exquis, roman qui explorait les dérives d’un monde où le cannibalisme était institutionnalisé, et qui m’a beaucoup marqué, Agustina Bazterrica revient avec Les Indignes, une dystopie aussi sombre qu’étrange. Ce court récit, au style tranchant, nous plonge dans un univers totalitaire où les gens sont classés selon une hiérarchie impitoyable. Dans ce nouvel opus, l’auteure poursuit son exploration des mécanismes de pouvoir et de déshumanisation.
La société est divisée entre les « Illuminées », qui bénéficient de tous les privilèges, et les « Indignes », relégués au rang inférieur, exploités et dépourvus de droits. Une jeune femme, Indigne, tente de survivre au sein d’une confrérie barbare, la Sororité Sacrée et tente de préserver son humanité malgré les humiliations et la violence quotidienne.
L’auteure utilise la même trame narrative tout en explorant des mécanismes bien différents, puisqu’ici, il est question de domination du plus fort. En un peu moins de 200 pages, elle parvient à créer un monde glaçant, futuriste et réaliste où l’humanité est retournée au Moyen-âge. Tout a disparu, internet, l’électricité et au passage l’animalité de l’être humain a repris le dessus. Son talent pour le minimalisme narratif renforce l’impact de chaque scène et exploite à merveille les contradictions de cet univers bien trop semblable à ce qu’il pourrait advenir dans un futur proche.
À travers ce roman allégorique, elle met en lumière les inégalités et les logiques de domination qui existent dans nos sociétés contemporaines, poussées à l’extrême dans ce roman très réaliste.
Comme à son habitude, la plume est brutale, dépourvue d’artifices, ce qui rend l’histoire encore plus immersive et percutante. L’absence de descriptions superflues amplifie l’aspect inéluctable de cette dystopie ou quoi qu’il advienne, la violence est le lot des femmes en premier.
Le roman, court et intense aurait mérité d’être davantage développé, j’aurais apprécié un développement plus approfondi du contexte, des personnages, du point de bascule, le comment du pourquoi, même si nous en apprenons suffisamment pour comprendre qu’une catastrophe a bien eu lieu.
[…] Ma mère m’avait parlé de ces téléphones. Quand il y avait internet, m’avait-elle dit. Quand le monde croyait encore qu’internet durerait toujours. Ils ne servaient plus à rien désormais. Écrans noirs et silence. C’est ce que disait maman, écrans noirs et silence, puis elle me montrait son téléphone inutile, me racontait comment était le monde d’avant, comment les gens faisaient tout sur ces écrans, comment on avait cru dans certains pays que l’électricité avait été coupée à cause des progrès de l’Intelligence artificielle, pour que cessent de se propager sa domination, son indépendance, ses velléités d’asservissement de son créateur. Et comment, après la grande coupure définitive, il a été impossible de rétablir les choses, de reconstruire, de redémarrer le monde, car la nature avait fait le reste, à un degré inédit de dévastation.
J’ai trouvé très intéressante cette Maison de la Sororité Sacrée où finalement les mécanismes religieux ont été inversés, comme une perte de repère dans un monde en dérive. La vie monastique n’est qu’un semblant de refuge. J’ai parfois eu l’impression de lire un bouquin sur des illuminés, mais certaines scènes m’ont vite ramené au quotidien du roman.
Agustina Bazterrica signe une dystopie aussi effrayante que réaliste dans sa dénonciation des logiques de pouvoir et d’oppression. Malgré une brièveté parfois frustrante, ce texte ne laissera aucun lecteur indifférent. Une chronique sociale sombre et acérée, qui mérite d’être lue et débattue.
Parution : 8 janvier 2025 – Editeur : Flammarion – Traducteur : Margot Nguyen Béraud – Pages : 192 – Genre : littérature argentine, dystopie, fiction, violence, religion, thriller fantastique
Au sein de la Maison de la Sororité Sacrée, les coups de fouet de la redoutable Soeur Supérieure rythment le quotidien strictement réglé des « indignes ». Pétries de jalousie, elles se tendent des pièges cruels dans l’attente de savoir qui sera la prochaine heureuse élue à rejoindre les « Illuminées ». C’est le vœu le plus cher de la jeune femme qui raconte cette histoire, au fil d’un journal dans lequel elle s’épanche nuit après nuit, au péril de sa vie. Peu à peu lui reviennent en mémoire les souvenirs d’avant l’effondrement du monde, avant que la Maison de la Sororité Sacrée ne s’impose comme l’ultime refuge. Un jour, elle découvre une errante aux abois et l‘aide à intégrer la communauté. Alors qu’un lien étroit se noue entre elles, il apparaît vite que Lucía est spéciale. Et que son arrivée apporte enfin une lueur d’espoir dans un monde de ténèbres.



Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 juillet 2024 au 11 juillet 2025)
Ju lit Les Mots
Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes
Catégories :Challenge Polars et Thrillers, Fantastique/Science-fiction/Uchronie/Dystopie..., Flammarion, Littérature argentine, Thrillers/Polars

Chronique d’un Cadavre exquis d’Agustina Bazterrica
Décidément, il faut vraiment que je découvre cette autrice, mais je pense que je le ferai avec Chronique d’un cadavre exquis.
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Je te la recommande 🙂 Elle est très intéressante dans sa conception des intrigues et j’allais justement te dire de débuter avec Cadavre exquis ❤
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Je pensais ne plus être dystopie, trop de YA qui m’en ont laissée, mais ces nouveaux titres plus adultes qui arrivent m’intéressent. Ici l’estampille moyen âge me fait très envie et j’aime ce que tu écris sur cette plume brute.
Alors je note 😉
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Je vois très bien ce dont tu parles ! C’est vrai qu’il y a peu de romans adulte dans ce genre et c’est vraiment dommage, car si nous devions nous retrouver dans ce type de monde, les adultes seraient quand même les premiers à devoir se bouger le C… Je suis comme toi et dès que je trouve un titre plus adulte, je le note 😉 Je serais curieuse d’avoir ton avis 😉
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Vu le cadre sombre et révoltant , le fait que le roman soit court tend à me donner envie de lui donner sa chance sans craindre de finir par me sentir asphixiée.
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C’est une lecture intéressante 😉
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Super intéressant ce que tu nous racontes de cette dystopie. Merci Julie pour la découverte de ce roman !
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Merci beaucoup Céline ! Ravie de te faire découvrir ce roman 😉
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L’envie de lire des dystopies m’est passé, mais je note celui-ci au cas où ça revienne. Même si je crains qu’il soit trop proche de la réalité et du coup encore plus anxiogène…
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Nous sommes loin de notre réalité quand même. Mais je comprends que l’envie de découvrir le genre puisse passer 😉
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Grand merci Julie pourcette découverte! La seule chose que je crains c’est le style de l’auteure, mais bon je vais tenter le coup.
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Merci Anonyme ! Le style est particulier, mais à tester 😉
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Tu signes une bien belle chronique Julie qui donne envie d’en découvrir plus sur cette autrice à l’univers si original.
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Merci beaucoup Frédéric 🙂 C’est une autrice dont j’aime l’approche rugueuse. A l’image de l’être humain finalement 😉
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Je suis curieuse de découvrir ce livre.l’histoire m’intrigue 🤔
Merci
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Je suis très contente d’éveiller ta curiosité 🙂
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un billet intéressant mais ce n’est pas trop ma tasse de thé !
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Merci Luocine 🙂 C’est particulier 😉
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Je vais peut-être essayer de découvrir ce livre pour découvrir l’écriture de cette autrice… « Cadavres exquis » me semblait trop extrême mais celui-ci semble plus accessible. Merci beaucoup pour cette découverte !
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Effectivement celui-ci est très différent 🙂 Je suis ravie de te faire découvrir cette auteure 🙂
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j’ai très envie de découvrir ce livre
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Si tu te lance, je te souhaite une belle découverte 🙂
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