Chronique désenchantée : Les Enchanteurs de James Ellroy


L’essentiel n’est pas avec qui tu frayes mais avec qui tu forniques.


James Ellroy poursuit sa fresque noire et nous plonge une nouvelle fois dans le Los Angeles corrompu des années 60, avec des flics véreux, des stars déchues et des manigances politiques. Malheureusement, cette fois, la magie n’opère pas vraiment, le maître du roman noir américain semble s’être perdu dans ses propres méandres narratifs, livrant un ouvrage aussi dense qu’indigeste.

Freddy Otash, ancien flic devenu maître-chanteur, chargé d’espionner la vie intime des célébrités pour le compte du FBI, de la presse à scandale et de puissants commanditaires, bosse pour tout le monde… Il écoute, il espionne, il salit. À travers lui, Ellroy veut nous montrer l’envers du décor d’une Amérique qui se croit pure, mais cache bien des horreurs. Otash devient l’œil et l’oreille d’un système qui écrase tout sur son passage.

On retrouve le style sec, percutant, plein d’argot de l’auteur, c’est vif, ça cogne et ça donne une énergie certaine au texte.

L’ambiance oppressante des bas-fonds et du pouvoir est bien retranscrite, l’auteur sait dresser des portraits féroces de l’Amérique hypocrite de l’époque, gangrenée par le racisme, la violence et les intérêts politiques. On est en plein cœur d’un Los Angeles moite, malsain, où tout le monde a quelque chose à cacher.

Malheureusement, le roman est bavard, trop bavard !

L’intrigue tourne souvent en rond, prisonnière de ses expositions interminables et de ses retours en arrière peu clairs. On a l’impression de relire les mêmes choses plusieurs fois.

Le personnage principal, Freddy Otash, est intéressant sur le papier, mais on a du mal à s’y attacher. Il est cynique, violent, son histoire piétine et sans évolution au fil du récit, ce qui m’a rapidement lassé, malgré son potentiel.

Le mélange de faits réels et de fiction devient illisible à force, surtout si on ne maîtrise pas les arcanes de l’histoire américaine.

Cerise sur le gâteau, même si on apprécie la plume et le style Ellroy, à force d’être sec et haché, cela finit par fatiguer dans un pavé de 672 pages. Ce qui semblait énergique devient parfois pénible.

J’ai eu le plaisir de pouvoir alterner l’écoute et la lecture et ce qui aurait dû être une belle expérience d’écoute a été un flop total. C’est rare, mais cela a été une lecture et une écoute éprouvante et fatigante ! J’avais hâte que cela se termine et si cela n’avait pas été Ellroy, j’aurais abandonné ma lecture. C’est dommage, car c’est documenté, c’est trash, mais trop hachuré pour ne pas me perdre.

J’attendais un roman noir tendu, haletant, corrosif, mais j’ai surtout trouvé un exercice de style lourd et déséquilibré. Le roman s’enlise dans ses propres ambitions, et l’on ressort plus étourdi que fasciné. L’énergie verbale d’Ellroy ne suffit pas à compenser la faiblesse d’une intrigue qui manque de souffle et de clarté. Il y a de bonnes idées, mais elles se noient dans un flot de mots et de circonvolutions.

Un livre à réserver aux fans inconditionnels de l’auteur, les autres risquent de se perdre en route.

Je remercie les éditions Rivages pour cette lecture ainsi qu’Audiolib et Netgalley pour cette écoute.

Parution : 25 septembre 2024 – Éditeur : Audiolib, Rivages – Temps d’écoute : 17 heures et 43 minutes – Pages : 456 – Narrateur : Thierry Blanc – Traduction : Sophie Aslanides – Genre : littérature américaine, thriller, thriller psychologique, polar, ségrégation, policier, thriller politique, roman noir,

Los Angeles, 4 août 1962. La ville est en proie à la canicule, Marilyn Monroe vient de succomber à une overdose dans sa villa, et Gwen Perloff, une actrice de série B, est kidnappée dans d’étranges circonstances. Cela suffit à plonger le LAPD dans l’effervescence. Le Chef Bill Parker fait appel à une éminence grise d’Hollywood, l’électron libre Freddy Otash, qui va mener une enquête aux multiples ramifications et rebondissements.

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Ju lit Les Mots
Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes



Catégories :Challenge An American Year, Challenge Polars et Thrillers, Littérature française, Rivages, Romans noirs, Thrillers/Polars

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32 réponses

  1. Aie… lequel tu conseillerais pour le découvrir, alors ?

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  2. Je me suis lassée de James Ellroy il y a assez longtemps maintenant. Ce n’est pas ton billet qui va me donner envie de m’y remettre 😉

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  3. Merci Julie pour cette chronique désenchantée ! Si Miss Belette passe par ici, elle va nous envoyer des 🎼 🎼 et nous mettre la chanson de Mylène Farmer dans la tête 😂

    Et merci pour cette analyse et ce retour qui me font passer mon chemin, n’étant pas une inconditionnelle de l’écriture de l’auteur, ni de ses histoires sur une Amérique pleine de paradoxes (je reste polie).

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  4. Avatar de ducotedechezcyan

    D’après mon expérience avec l’auteur (qui est maigre, je le reconnais), ça passe ou ça casse. Dommage que cette fois ça ait cassé… Peut-être que le filon commence à s’épuiser?

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  5. Oui, trop bavard, je m’y suis perdue aussi. Tout ce que j’ai retenu, c’est le portrait de Monroe, peu glorieux, uniquement à charge (une poivrote, en mal de cul) et que le livreur de pizza en avait une grande… ce qui me fait une belle jambe ! 😆

    Je tenterai un autre de ses romans, en espérant que les autres ne soient pas aussi bavard et emmêlé, à tel point que je me suis perdue pour de bon… Merci pour ton petit billet 😉

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  6. J’ai essayé Ellroy mais j’ai du mal avec ce côté bavard comme tu le dis très justement Julie 😉🙂

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  7. Mais ce ne sera donc pas avec celui-ci qu’il faudra que je me lance pour découvrir l’auteur 😅
    Aurais-tu une recommandation du coup pour un titre plus digeste où son style ferait mouche ?

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  8. Il est aussi dans ma pal, je n’en suis qu’au 2ème du premier quatuor, j’ai de quoi faire

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  9. voilà donc une lecture que je ne ferai pas, et ça tombe bien car je désespère d’alléger mes listes …

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  10. Je n’ai encore jamais lu de roman de l’auteur, même si ce qu’il écrit semble correspondre à ce que j’aime. Je ne pense pas choisir celui-ci pour le découvrir.

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  11. Trop bavard, ce n’est clairement pas pour moi…

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  12. Je n’apprécie pas les romans trop bavards…. vu ton retour, je passe allègrement mon tour ! Merci à toi 🙂

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