Les vautours planent en spirale en sommet du ciel orange de ce monde. Ils passent par les fissures et descendent calmement, poussés par les coups de vent qui balayent les ouvertures, pour repartir sur la terre d’en haut et redescendre. Eux qui n’oublient jamais portent dans leurs plumes le code de la tristesse, le souvenir des charognes qui les nourrissent.

Pedro Cesarino découvre en 2004 une région reculée de l’Amazonie, marquée par la violence, la déforestation et la présence illégale d’orpailleurs et de trafiquants. Ce premier voyage, à l’âge de 27 ans, alors qu’il abandonne des études de philosophie pour se tourner vers l’anthropologie, inspire son roman L’Attrapeur d’oiseaux. Ses recherches portent sur le chamanisme, les récits oraux et la mythologie du peuple Marubo.
Avec son nouvel opus, Les vautours n’oublient pas, il signe un roman puissant où le surnaturel fusionne avec la violence de notre monde. Aux confins de Manaus, la découverte de cadavres mutilés jette une ombre de terreur sur la décharge municipale : les vautours, affamés, déchirent la chair, comme pour rappeler que cette forêt, jadis nourricière, est désormais en péril.
Hantée par la disparition de son fils, Maya veut comprendre et c’est auprès de Noma que sa quête commence. Ensemble, ils remontent la piste de ce crime, affrontant les logiques de pouvoir qui broient les communautés autochtones. À travers leurs pas, l’intrigue devient un pont entre deux mondes : celui, brutal, du consumérisme moderne, et celui, mystique, des esprits de la forêt.
Pedro Cesarino fait de l’Amazonie un personnage à part entière, tour à tour nourricière et menaçante, habitée par des forces invisibles que seuls les initiés peuvent appréhender. Sa plume, tantôt frénétique, tantôt méditative, capte la moiteur, le vertige et la beauté crue de ce territoire. Les chants chamaniques et les visions oniriques s’entrelacent pour créer une atmosphère unique, où le réel se teinte d’un fantastique profondément enraciné.

Au cœur de ce thriller, le roman dénonce avec force, un Brésil gangrené par la violence, la corruption et le racisme institutionnel envers le peuple indigène. Les vautours, sciemment ou non, symbolisent la rapacité d’un monde prêt à tout pour effacer ces peuples de leur terre.
C’est un roman qui frappe par son audace et sa profondeur. C’est une invitation à voir l’Amazonie non comme un simple décor exotique, mais comme un écosystème vivant, porteur de vérités universelles. Un roman qui transcende les genres, tout en mettant en lumière une Amazonie en crise et dénonciation sociale.
Les séquences où les frontières entre le rêve et la réalité s’effacent nécessitent une attention particulière pour en saisir toute la profondeur.
Les vautours n’oublient pas, c’est l’Amazonie qui se fait conte noir, mais c’est surtout une réflexion profonde sur l’identité, la mémoire et la résistance des peuples indigènes face à l’effacement.
Pedro Cesarino signe avec ce roman une chronique bouleversante d’une Amazonie en lutte, mêlant enquête, spiritualité et critique sociale.
Un roman qui résonne comme un cri d’alerte et d’espoir pour les peuples et les terres qu’on tente de faire taire.
Je remercie les éditions Rivages pour cette lecture.
Parution : 2 avril 2025 – Editeur : Riaves – Pages : 160 – Traduction : Hélène Melo – Genre : littérature brésilienne, roman noir, thriller sociétal,
Au Brésil, aux abords de la ville de Manaus, des corps mutilés sont retrouvés dans une décharge, abandonnés aux vautours. Ce sont tous de jeunes autochtones. Quand Maya découvre que son fils fait partie des victimes, elle se lance dans une quête acharnée, quitte à franchir la frontière de plus en plus poreuse entre la jungle amazonienne et la ville prédatrice. Elle croise la route de Noma, jeune intersexe qui s’initie au chamanisme et parvient à communiquer avec le monde des esprits. Leurs parcours les amènent sur la piste d’un dealer de cocaïne ayant confié aux jeunes hommes une cargaison volée à un puissant cartel. Dans une langue unique, Pedro Cesarino montre les failles d’un Brésil contemporain, terreau des pires injustices, et nous emmène de l’autre côté du miroir, là où s’effacent les frontières entre l’humain et l’animal, entre le mythe et la réalité.



Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 juillet 2024 au 11 juillet 2025)
Ju lit Les Mots
Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes
Catégories :Challenge Polars et Thrillers, Littérature brésilienne, Rivages, Romans noirs, Thrillers/Polars

Une lecture qui a l’air d’être une vraie expérience.
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oui 🙂
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L’idée de faire de l’Amazonie un personnage à part entière m’intéresse tout comme cette plongée dans une société que je connais peu, même si certains problèmes du Brésil ne me sont pas inconnus.
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Même si on connait les problèmes du Brésil, on oublie parfois le peuple d’origine malheureusement… Il pourrait te plaire 🙂
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Ça devient récurrent de vouloir faire taire les minorités… merci pour cette mise en lumière !
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oui… C’est plus confortable… Merci Nath 🙂
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Je me demandais si ce roman était intéressant, mais là ce que tu nous racontes m’intrigue vraiment. Rien que pour l’ambiance que tu décris et les esprits de la forêt, je lirai ce roman 😉
Merci Julie pour cette chouette chronique
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C’est franchement à découvrir pour pas mal d’aspects et bon la violence est présente, mais elle est dénoncée…
Merci Céline 🙂
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Le contexte a l’air super intéressant, par contre les histoires de trafic de drogue ou de cartel ne sont pas du tout mon truc… Tu crois que ça peut me plaire quand même?
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C’est quand même assez violent, avec une volonté d’écraser un peuple. Après, je n’ai pas trouvé que l’aspect cartel et trafic était au centre, c’est plus à la périphérie. C’est un texte que je recommande de lire lorsque tout va bien, si non on a du mal à suivre, ne connaissant pas le Brésil ce n’est pas toujours simple à suivre 😉
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Merci pour ta réponse 😉 Je ne pense pas retenir ce titre, du coup, mais qui sait… Si je le trouve à la bibliothèque, j’essaierai au moins de le feuilleter.
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C’est une bonne alternative 😉
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Il est très beau ton retour Julie. Le sujet est intéressant, l’Amazonie se meurt alors il est essentiel d’en parler. C’est ce que fait ce livre. Bon après-midi à toi Julie 🙂
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Merci beaucoup Frédéric 🙂 Oui l’Amazonie se meurt et on en entend parler de moins en moins… Quand j’étais jeune, Raoni Metuktire luttait pour la préservation de la forêt amazonienne et de la culture indigène, il était invité, on parlait de tout ça. Aujourd’hui, personne n’a pris le relais, et c’est une catastrophe non seulement écologique mais aussi humaine dont plus personne ne parle…
Bonne fin de week-end et excellent début de semaine 🙂
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Un livre qui donne bien envie 🙂
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Merci Julie 🙏🏻
Tu nous parles avec tant d’émotion de ce livre que je le note tout de suite.
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Merci beaucoup Eveline 🙏 c’est un livre étonnant qui dénonce le racisme et la haine de l’autre… J
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Ta chronique est très belle et sensible, comme d’habitude je dirais ! 😉 Le sujet m’intéresser mais j’ai un peu de mal avec le chamanisme… je me le note quand même mais pas certaine de le lire rapidement… Merci à toi pour toutes ces découvertes incroyables ! 🙂
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Merci beaucoup Lilou 🙏🥰 si j’arrive à transmettre mes émotions c’est le plus important, car j’ai toujours peur de passer à côté.. concernant le chamanisme effectivement c’est présent, onirique mais je n’ai pas trouvé que ça prenait le pas sur le récit. Après j’ai retrouvé les sensations, quelques bribes que j’ai pu découvrir dans Tristes tropiques que j’ai adoré 🙂
Merci beaucoup pour ton compliment, je suis très touchée, car même si ce sont des livres que je choisis dans le cadre de mon partenariat avec Rivages, je réfléchis toujours en pensant au partage autour de moi 🙏
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Tu ne passes pas à côté, bien au contraire !!! 😉👍 merci à toi 🙏🥰
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❤️
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Quelle belle chronique Julie ! Je suis envoûtée ! C’est le genre de lecture que j’adore pour ses paysages et sa profondeur.
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Ohhhh merci beaucoup Caroline 🙏 c’est une lecture touchante et dénonciatrice du racisme systémique tout en mettant en avant les pratiques et croyances du peuple originel.
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Pour avoir lu ici ou là sur le sujet, ce qui se passe en Amazonie est vraiment abominable. Le regard de cet auteur m’intéresse beaucoup, passer par le prisme de la fiction pour comprendre les enjeux est toujours intéressant. merci pour cette découverte.
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Malheureusement… Oui la fiction permet de mettre en lumière des faits qu’il est peut-être moins aisé d’attaquer frontalement. On connaît peu ce qui se passe, alors que c’est dramatique. Ravie de te faire découvrir ce titre 🙂
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un beau billet pour un livre qui ne me tente pas , je suis certaine d’être hermétique à ce genre de récit.
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Merci Luocine 🙂 Il faut effectivement ce genre 🙂
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Magnifique chronique sensible et sincère et très belle couv, je note ;-P
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Meci beaucoup ma Ge ❤ La couv est magnifique effectivement 🙂
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