Rentrée littéraire 2025 – Chronique d’une mémoire dispersée : Le ciel est immense de Feurat Alani

En 2023, Feurat Alani, reymporte le Prix de la littérature arabe avec son livre Je me souviens de Felloujah. J’ai été touchée par le message qu’il cherche à transmettre à travers son regard de journaliste, mais pas seulement… Même si je n’ai pas encore lu l’ouvrage primé cette année-là, cette reconnaissance m’a donné envie de me plonger dans son univers et de découvrir sa plume.

J’ai eu le plaisir de découvrir que son nouveau livre sortait pour cette rentrée littéraire et j’ai sauté sur l’occasion. Et je n’ai pas été déçue.

Ce n’est pas un livre que l’on dévore en quelques heures, non pas qu’il soit mauvais, bien au contraire ! C’est un livre qui prend son temps, à l’image du temps qui passe, à ces années sous silence que le personnage principal Taymour, décrit avec nostalgie mais rage.

On parle souvent de la construction familiale parents enfants ou grands parents enfants, avec cette transmission transgénérationnelle importante dans la construction d’un adulte en devenir, mais on parle peu de l’influence des oncles et des tantes ou des autres membres de la famille élargie. Pourtant, cette influence est parfois importante. Ici, nous ne sommes pas dans une influence directe de l’oncle sur son neveu, mais sur le poids que l’absence a été sur la famille et par ricochet sur lui. Les non-dits sont destructeurs et cela quelque soit l’endroit du monde où on se trouve.

Le fait de placer l’intrigue dans l’Irak avant l’arrivée du partie Baas, de Sadam Hussein, et qu’en toile de fond l’auteur se serve de l’Histoire irakienne donne encore plus de poids à cette lecture. L’auteur mêle archives et souvenir personnel pour tisser un récit intime, sans jamais tomber dans la facilité romanesque.

Le roman restitue les rivalités de l’époque de la Guerre froide à l’émancipation de l’Irak, tout mettant le projecteur sur la disparition d’Adel à travers un prisme historique.

La plume de l’auteur à la fois journalistique et teintée d’émotion, avance avec retenue dans ce dédale des silences imposés que ce soit par sa famille ou par la politique, donne une puissance émotionnelle palpable et émouvante.

Les personnages secondaires, même s’ils semblent effacer, nourrissent le propos en gravitant de cet oncle, ombre centrale de récit, tout en donnant une dimension à la fois héroïque et détestée de ce personnage qui se faufile entre les lignes.

D’ailleurs, Adel, passera son temps à fuir le lecteur, mais aussi son neveu, et peut-être un peu à l’auteur, comme une danse macabre à l’image de cette trame historique. La guerre froide continue à imposer ses silences, peut-être pas par peur, mais la fuite du temps impose des choix et peut-être qu’un peu de honte se glisse entre les lignes de Feurat Alani. Mais même si elle effleure le récit, elle demeure d’une beauté insaisissable à l’image de ce ciel immense dans lequel on aimerait se perdre… Miroir, entre la vie ancrée dans le présent et cette poésie sous-jacente que le silence impose.

Feurat Alani, aborde la filiation, la mémoire, l’exil, avec une plume poétique, délicate et si la fin laisse volontairement des zones d’ombre, elle confirme que certains silences sont irremplaçables.

Le ciel est immense est un livre émouvant, où la quête personnelle, offre au lecteur un panorama sensible de la mémoire familiale et géopolitique. Une lecture précieuse, pour qui cherche à comprendre comment l’Histoire s’écrit dans le silence des absents.

Un livre de la rentrée littéraire que je ne peux que vous recommander !

Je remercie les éditions JC. Lattès et Netgalley pour leur confiance.

Parution : 20 août 2025 – Éditeur : JC Lattès – Pages : 272 – Genre : littérature française, récit de vie, histoire familiale, héritage, Histoire, secrets de famille

« Le ciel est immense, maman, vais-je me perdre ? » écrit Adel à sa mère en 1967. Pilote d’exception, le jeune Irakien est envoyé par l’armée de l’air pour être formé en URSS, avant de disparaître en 1974, entre Bagdad et Krasnodar.

Trente ans plus tard, son neveu Taymour ne supporte plus le mystère qui entoure l’absence de cet oncle. Est-il vraiment mort en héros ? Sans relâche, Taymour va défier les silences d’une famille et d’un régime, jusqu’à s’inscrire à l’émission de recherche télévisée russe Zhdi Menya, « Attends-moi »…

Une fresque magistrale, un voyage dans les dédales d’un secret de famille, un roman pour faire revivre les disparus dans la mémoire intime et collective.


Ju lit Les Mots
Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes



Catégories :Contemporain, Historique, J.C. Lattès, Littérature française

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16 réponses

  1. Je l’avais noté. Puis sur NG, l’éditeur a refusé. Du coup, je l’avais oublié. Évidemment qu’après ce beau retour, je le note sur la liste des livres à acheter. J’avais beaucoup aimé son précédent ! Merci 🌞

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    • Les mystères de NG, je trouve d’ailleurs que les choix se raréfient et je déplore que ça devienne une seconde plate-forme d’auto-édités…
      Merci beaucoup Matatoune, il fait partie des livres de la rentrée qui marquent et qui devrait nécessairement te plaire 🙂

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  2. Très belle chronique Julie. Les sujets traités sont intéressants, un roman qui sûrement me plairait !

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  3. Pas un sujet qui m’intéresse mais cela semble joliment écrit ^^

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  4. j’aime à la fois, le sujet, la façon dont s’est écrit et ce superbe billet qui rend un bel hommage à ce roman

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  5. Très belle chronique toute en sensibilité… comme le livre j’imagine. Je suis tentée mais ma PAL est vraiment trop importante. Je vais passer mon tour pour l’instant… 😉

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  6. Quelle belle chronique Julie ! Comme tu le sais, ce sont des sujets qui m’intéressent beaucoup.

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