Premières lignes… De cendres et de larmes de Sophie Loubière

Inspirer profondément.

Relâcher peu à peu l’air de ses poumons.

Freiner la montée d’adrénaline.

La toiture et la charpente n’étaient qu’un intense brasier. Sous la visière rabattue de son casque, Madeline ne distinguait ni l’une ni l’autre dans l’épaisse fumée noire. Seule perçait la flèche enrobée de flammes. Par un escalier enclavé, trente kilos d’équipement sur le dos, tirant un long tuyau relié au fourgon d’incendie, elle rejoignit la première unité sur place avec sa brigade. Visions d’apocalypse. Personne ne connaissait l’origine du sinistre, chacun se retenait d’y voir un signe. La caporale-cheffe Madeline Mara déploya ses hommes

– On établit les lances ! Jet droit, puissance maximale ! Enrayer les propagations, abaisser les flammes.

Quelque chose était à l’œuvre… Un mauvais feu, solide et vicieux, dont le parfum âcre se rependait bien au-delà de l’île de la Cité, jetait sur ses hommes son lasso. Soixante mètres plus bas, sur le parvis de Notre-Dame, des tuyaux s’entrelaçaient comme des serpents ondulant vers leur proie dans la clameur des sirènes. Frénésie des flammèches. Des exclamations fusèrent. Tournés vers un point du ciel, les visages se figeaient les unes après les autres. Madeline leva les yeux : le squelette incandescent de la flèche cédait. Sa pointe bascula telle la cime d’un arbre foudroyé. Des craquements formidables suivis d’un bruit sourd ébranlèrent le toit. Transpercés par sa chute, une partie de la voûte et des échafaudages s’effondrèrent. L’ordre d’évacuer tomba aussitôt.

– On se replie !

Madeline secoua l’épaule de son binôme : sous l’effet de la chaleur, son casque argenté prenait une coloration dorée inquiétante

– Barbier, on dégage !

Elle le poussa vers l’escalier en colimaçon saturé de fumée. Descendre à toute pompe les marches sans cogner la bouteille d’air comprimé contre le mur. Se retrouver bloqué derrière une porte rabattue par le souffle de l’éboulement. Contacter le PC. Attendre, l’estomac noué.

Madeline sentait le poids des autres dans son dos, compressés dans un goulot transformé en étuve. Tous écoutaient le ronflement des flammes qui leur parvenait de la toiture, pareil à un essaim. La sueur imprégnait leurs mentonnières. Durant sept longues minutes, elle rassura son équipe, envisagea mentalement les options possibles pour se sortir de là : retourner sur le toit et chercher une autre issue (ils seraient grillés avant d’avoir fait un mètre), dégonder ma porte (irréalisable, celle-ci étant encastrée sous la voûte, ou la fracasser à la hachette (étant donné son épaisseur, l’exiguïté des lieux et la chaleur écrasante, cela aurait pris trop de temps).

– On est là, les gars ! reculez-vous !

Coups de bélier. Le panneau défoncé. La délivrance.

Parution : 3 juin 2021 – Éditeur : Fleuve – Pages : 352 – Genre : thriller, thriller psychologique


Madeline, Christian et leurs enfants rêvent depuis longtemps d’un appartement plus grand où chacun aurait son espace. Un rêve rendu impossible par la réalité du marché parisien. Quand l’occasion se présente pour Christian d’obtenir le poste de conservateur au cimetière de Bercy, avec un pavillon de fonction de 180 m2, la famille Mara n’hésite pas et s’y installe au début de l’été 2019. Peu à peu, les enfants se font au panorama. Tandis que Madeline, caporale cheffe sapeur-pompier, sauve les vivants, Christian veille les morts. L’âpreté de son métier réveille bientôt en lui le besoin d’extérioriser ses émotions par la peinture. Au cœur de ce fragile équilibre où les métiers de l’un et de l’autre pèsent lourd, la maison révèle ses fêlures. Lentement. Insidieusement.
Quelque chose menace cette famille recluse au milieu des tombes.
Une menace dont personne ne mesure encore l’ampleur.



Catégories :Premières Lignes...

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6 réponses

  1. Je lirai ton retour après ma lecture 🤩

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