
Aujourd’hui, le monde est divisé entre ceux qui prennent des médicaments et les autres. Je suis ce qu’on appelle une résistante. Ça fait très Guerre des étoiles, ce qui n’est pas pour me déplaire. Je résiste au bonheur et pour eux c’est incompréhensible. Tout le monde veut être heureux, non ? Eh bien non, pas moi.
En fait, il y a un tas de gens pour qui ce n’est pas une fin en soi. On en trouve un certain nombre chez les personnes âgées, qui ont connu des épreuves et qui savent que le bonheur ne signifie rien. Mon père a été un résistant lui aussi, puis ma mère a insisté pour qu’il prenne quelque chose s’il tenait à leur mariage. Il a cédé, parce qu’il était fatigué et que divorcer à son âge lui paraissait trop compliqué.
Le bonheur ne fait pas partie de mes priorités. Je veux autre chose. Avoir un minimum de contrôle sur ma vie et sur mon corps, pour commencer. Pouvoir passer une journée sans avoir l’impression que ce que je fais est mal. Je veux sentir mes émotions, pas les ravaler. Et si c’est elles qui finissent par me bouffer, eh bien tant pis.
Donc, il y a ceux qui prennent des médocs et il y a les autres. Les résistants. Et pas seulement des femmes en colère comme moi, même si c’est surtout des femmes en colère comme moi. Il faut dire qu’on a de bonnes raisons d’être énervées.
Parfois le simple fait d’arriver au travail en un seul morceau me fait l’effet d’une victoire.
Ma tristesse me rend parfaitement heureuse la plupart du temps. Ce n’est pas une tristesse écrasante, mais un sentiment auquel je me suis adaptée. Comme un pull trop grand que je remplis peu à peu. Je ne sanglote sur l’épaule de personne, je ne suis pas allongée par terre, incapable de bouger ou de manger. Je ne menace pas de me jeter du haut d’un immeuble ou de me faire du mal. Je suis tranquillement triste, et je ne me lamente pas seulement sur mon sort, mais sur l’état du monde en général. Vous avez vu ça ? C’est quand même une saloperie. Si j’habitais en France, personne ne me reprocherait de me plaindre. Je pourrais m’en donner à cœur joie. Ce qui serait le comble.
Parution : 7 octobre 2021 – Éditeur : cherche midi – Pages :304 – Genre : humour noir
Voici Janet. Janet est triste. Pas seulement pour elle : pour le monde. Le monde, vous savez ? Ce show merdique qui est en train de très mal se terminer. C’est pourquoi Janet s’est isolée : elle travaille dans un refuge pour chiens, au milieu des bois. Là, au grand dam de son petit ami, elle peut éviter au maximum le contact avec les humains.
C’est que, voyez-vous, Janet n’a pas envie de rendre les autres tristes. Elle n’a pas envie de se pointer dans une maternité et d’expliquer aux nouveaux parents que, d’une manière ou d’une autre, ils vont foutre la vie de leur gosse en l’air.
Et cependant, il lui arrive parfois de se demander à quoi ça pourrait ressembler, de ne pas être triste. Aussi, quand son médecin lui parle d’un nouvel antidépresseur qui pourrait lui permettre d’être heureuse pour Noël, Janet, sur un coup de tête, tente sa chance. C’est le début d’une série d’événements improbables qui vont chambouler son quotidien et l’obliger à remettre en question sa vision radicalement pessimiste de l’existence.
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