Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. C’est-à-dire, toi. Tu es tout ça. Matière et lumière. Bien que Dieu t’ait façonnée pour le désir, tu es de plus en plus inerte sous mon corps en rut. Je n’en finis pas de baiser ta dépouille. Plus je te consomme, plus tu te consumes. Tu as beau être cendres, je continue à déverser de l’huile sur tes braises. Ce liquide est le tien, arraché à ton sein; fossile. J’en tire une gloire personnelle : ma virilité, je l’extrais de tes entrailles. Tu es la baleine blanche et je crèverai de t’avoir harponnée. Je ne t’échapperai pas : il va me falloir apprendre à conduire dans la boue, danser tout l’été sous la grêle, me promener dans le feu des forêts, nager dans les lacs débordés. Éviter les arbres volant aux vents violents.
Je joue à l’apprenti-docteur, mais tu commences à ruer sous mes yeux ma main mes pieds. Tu éruptes. Ce verbe existera bientôt. Il s’imposera quand je ne comprendrai plus pourquoi ta bave jaillit partout sans préavis. Tu te fissures. Tu me tumultes. Tu me tsunamises de ton amour fatal, total, trop pur. Ton amour alcool dur qui arrache. Descendu cul sec. Tu te retires comme une immense chasse d’eau. Les animaux et les peuples dits primitifs aussi. Tous ceux-là savent te lire sans avoir recours à la science. Moi, je continue à bronzer armé de mon smartphone qui sait tout. Je laisse les enfants jouer sur la plage. Je les laisse faire comme moi : construire des châteaux de sable. Je n’entends pas le silence des oiseaux.

Parution : 24 août 2023 – Éditeur : Récamier – Pages : 270
Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. C’est-à-dire, toi. Tu es tout ça. Matière et lumière. Bien que Dieu t’ait façonnée pour le désir, tu es de plus en plus inerte sous mon corps en rut. Je n’en finis pas de baiser ta dépouille. Plus je te consomme, plus tu te consumes. Le dernier amant, c’est celui qui savait mais qui a continué. Un homme qui, sous prétexte d’aimer sa femme, l’a brutalisée des années durant jusqu’à finir en prison. Un homme qui, sous prétexte d’aimer sa terre mère, l’a exploitée jusqu’à détruire ses écosystèmes. Deux tristes facettes d’un seul et même être, coupable d’aveuglement, de négligence et de maltraitance envers autrui et, finalement, envers lui-même. À travers l’histoire de ce narrateur, Oscar Lalo superpose magistralement deux lectures de la violence : celle faite aux femmes et celle faite à la nature.
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