Je suis resté assis sur mon lit je ne sais combien de temps. Je pensais S’il vient dimanche, je vais mourir. Après une éternité, j’ai appelé Anna : « Mon père a décidé de passer à Bruxelles. Je me suis acharné à le faire changer d’avis, il a tenu bon. » Elle a répondu que cela me pendait au nez : « Cinq mois sans vous voir alors que tu es toute sa vie. La pandémie a bon dos, mais quand même. » Elle a ri, et tout s’est étranglé dans ma gorge.
Avant que tu descendes du train, il faut que je te dise deux ou trois choses. Ma vie à Bruxelles n’est pas exactement comme je te l’ai racontée. Si tu débarques sans savoir, tu pourrais en avoir un choc. Même si tu répètes qu’avec tes années de maton, à force, ton cœur est bien accroché. Face à face, je n’y suis pas arrivé. La dernière fois que je suis rentré à Arlon, j’avais pourtant préparé toutes les phrases, mais rien.

Je vais te dire tout et on verra bien.
Voilà.
C’est parti.
D’abord, il faut que je te dise que je t’aime
Quoi que tu lises, je t’aime.
De ça je suis sûr.
De ça je ne doute jamais.
(Si j’en suis réduit à écrire des mots que je n’ai jamais prononcés, ça ne va pas être de la tarte.)
Parution : 23 août 2023 – Éditeur : Grasset – Pages : 180 – Genre :
Il y a des choses que l’on écrit parce qu’on n’a pas pu les dire. Nora envoie une longue lettre à son père, qui vit dans une autre ville. Cette ville, elle l’a quittée pour apprendre le chant à Bruxelles. Mais aussi pour autre chose. « Ma vie n’est pas exactement comme je te l’ai racontée. »
L’enfant que connaît ce père était un « il ». Il se prénommait Raphaël. Tout ce que le père ignore, le voici, depuis l’enfance, la mort de la mère. Les déguisements que portait le petit garçon. Les princesses qu’il dessinait. Les brutalités subies dans la cour du collège. Les mensonges. La douleur. Et puis, un jour, une lumière : le chant. Et le départ. Et ce que Nora est devenue, sa nouvelle vie. Voici un sens inédit ajouté au « Je est un autre » de Rimbaud.
Loin d’être une lettre d’amertume, de vengeance ou de règlement de comptes, la lettre de Nora est une lettre d’amour. Lettre d’amour à un père, dans l’espoir qu’il comprendra. Lettre pour s’aimer soi-même, aussi, enfin.
Un roman bouleversant, et d’autant plus qu’il évite les excès de la plainte comme de la caricature, sur l’identité, mais aussi sur le passage à l’âge adulte, le perfectionnement d’un art, le renouement avec l’acte d’aimer.
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