Les avis de MyrlitBooks : La Laveuse de mort de Sara Omar


Kurdistan, 1986. Lorsque la frêle Frmesk vient au monde, elle n’est pas la bienvenue aux yeux de son père. Ce n’est qu’une fille. De plus, son crâne chauve de nourrisson porte une petite tache de cheveux blancs. Est-ce un signe d’Allah ? Est-elle bénie ou maudite ? La mère de Frmesk craint pour la vie de l’enfant. Quand son mari menace de l’enterrer vivante, elle ne voit d’autre solution que de la confier à ses propres parents, Gawhar et Darwésh. Gawhar est laveuse de mort. Elle s’occupe du corps des femmes que personne ne réclame, ne veut toucher ni enterrer : des femmes assassinées dans le déshonneur et la honte. Ancien colonel, Darwésh possède une riche bibliothèque qui va bien au-delà du Coran dont son épouse a fait son unique lecture. Mais ce foyer bienveillant ne parviendra qu’un temps à protéger Frmesk, qui va devoir grandir dans un pays frappé par la guerre, le génocide et la haine.

Parution : 14 octobre 2020 – Éditeur : Actes Sud – Pages : 384 – Genre : violence, condition de la femme, religion, violences faites aux femmes

Mécréant, ce n’est qu’un mot employé par ceux qui craignent les autres religions plus qu’ils n’ont foi en la leur, dit Darwésh.

Le début de la lecture fut laborieux. Le passage d’un lieu à l’autre, les sauts temporels et la profusion des personnages ne m’ont pas facilité la tâche. Mais ensuite, la fluidité du récit et l’écriture cinématographique superbement traduite m’ont emportée. Les personnages prenaient vie sous mes yeux. Les bombardements m’assourdissaient, l’odeur âcre du sang et le goût de la poussière emplissaient mes poumons.

Je trébuchais dans les flaques et rasais les murs engouffrée dans les tchadors des femmes. Comme elles, je me trouvais pieds et poings liés face à l’obscurantisme et à la sauvagerie des hommes.

Ces hommes qui usent et abusent de textes religieux qu’eux-mêmes ne comprennent pas mais dont ils se servent pour asseoir leur autorité et opprimer leurs femmes et leurs filles.

Honneur, rage, injustice, violence, soumission et culpabilité constituent la chape de plomb qui écrase ces femmes. Certaines s’en accommodent, d’autres, aussi cruelles que les hommes, savent comment retourner la situation en leur faveur. Et puis il y a celles qui implorent Dieu pour les aider à s’en sortir. Mais Allah leur tourne le dos. Il reste sourd à leurs doléances. Serait-Il, Lui aussi, écœuré par ces hommes qui n’ont plus d’humain que la forme?

Comme ce voyage de quelques 300 pages entre le Kurdistan et le Danemark fut éprouvant ! J’en suis revenue lessivée, l’âme meurtrie, et des questions qui resteront sans réponses plein la tête.

Que nous n’habitions pas tous le même monde, c’est évident. Mais comment s’expliquer l’injustice subie 𝘪𝘱𝘴𝘰 𝘧𝘢𝘤𝘵𝘰 si l’on naissait du mauvais côté de la planète? Jusqu’où peut s’étendre le mal? Et après ?

Après, on se retire tout au fond de soi pour rassembler ce qu’il nous reste de force et de sérénité en vu du prochain round.


Ju lit Les Mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes –




Catégories :Actes Sud, Les avis de MyrlitBooks

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15 réponses

  1. Merci Myrlit pour cette chronique. J’avais très envie de lire ce roman, et tes mots me confortent dans mon idée. Mais je vais sûrement attendre un peu, un moment plus propice.

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  2. Je ne savais pas qu’il y avait une suite.
    Je viens de lire un article passionnant sur l’auteure !

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  3. Ça a l’air extrêmement fort comme lecture.

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  4. Déjà le titre en lui-même est déjà particulier, il dégage une aura troublante. Quand on lit le résumé, on comprend tout de suite la violence du monde dans lequel va évoluer cette pauvre enfant, qui n’a que pour « tare » d’être née fille… Je comprend que la lecture ait pu être intense et éprouvante au vu des sujets. Merci Myrlit pour cette belle chronique où l’on sent bien que cette lecture ne t’a pas laissé indemne.

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Rétroliens

  1. C’est lundi, que lisons-nous ? #24 – Ju lit les mots

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