
Au moment de la mort de mon père, m’est revenu comme un boomerang le texte La Place d’Annie Ernaux. Ce livre que j’ai découvert à l’âge de vingt-cinq ans m’avait bouleversée et avait trouvé une résonnance très forte en moi. Nos histoires, notre passé, nos trajectoires n’étaient pas les mêmes et pourtant un socle commun nous constituait. Celui fait d’une volonté farouche de s’extraire de sa condition sans jamais se couper de ses racines ni se renier.
C’est en regardant par hasard La Grande Librairie que j’ai eu le plaisir d’écouter Rachida Brakni parler de son livre ou plutôt de son père et de la manière dont elle en parlait, comme un voyage cathartique au sein d’un tourbillon dans lequel elle a été prise. L’extrait qu’elle a lu, m’a donné envie de découvrir son livre.
Sans fioritures, avec des tournures simples, Rachida Brakni met les mots sur le film de son père, mais aussi du film familial, sans trop en rajouter ou trop enjoliver.
Son père souhaitait être enterré en Algérie, chose qu’elle n’a jamais comprise et ne s’en cache pas, mais qu’elle tente de comprendre en appelant les souvenirs, les blessures, mais aussi les joies et la fierté d’être sa fille.
Même si elle dit qu’elle parfois pu avoir honte, cela n’a jamais que de manière très fugitive, car comme lui, elle était fière de l’avoir pour père. Un père qui ne s’est jamais plié que ce soit aux diktats français qu’aux diktats algériens. Comme il le dit lui-même aux obscurantistes : « Je n’ai élevé que des garçons ». Cette phrase pourrait faire bondir certains et pourtant, elle donnera la force à Rachida Brakni de réaliser ses rêves, car elle est au regard de son père l’égale des hommes.

Elle convoque les souvenirs, pour mieux les analyser et les comprendre pour notre plus grand plaisir, malgré cette profonde tristesse qui irradie, comme un exutoire, la libération d’une émotion indéchiffrable et dont la douleur sera toujours présente.
Un bel hommage à son père, mais aussi à tous les pères immigrés venus chercher une vie meilleure, et qui par amour de leurs enfants restent, car là où ils sont, est leur vie. Une vie de sacrifice, d’amour, d’encouragements durant laquelle la réussite des enfants devient la leur.
Un récit sur des personnes simples qui traversent la vie sans faire de vague, tout en laissant une empreinte indélébile.
Le retour aux sources à cette terre nourricière l’Algérie qu’il avait quitté à 18 ans, dans la douleur, on le comprendra, mais sans vraiment que cela doit dit.
Un homme de la terre, qui ne comprend pas qu’on peut avoir des arbres de décoration et qui en fera du petit-bois de chauffe pour planter un beau figuier qui sera toujours utile.
Rachida Brakni, évoque avec émotion ces moments de grâce, tout en appelant les souvenirs à mieux comprendre.
Elle évoque tout à tour son rôle de femme, de comédienne, son couple le tout avec une grande pudeur. A l’image de ce père tant aimé auquel elle n’aura pas pu dire au revoir.
J’ai dressé son portrait pour donner de la chair et sortir de l’anonymat ces hommes déracinés réduits à leur condition d’ouvriers, tiraillés entre deux pays. Et avant tout, j’ai voulu rendre hommage à l’homme sans qui je ne serais pas la femme que je suis.
Parution : 6 mars 2024 – Éditeur : Stock – Pages : 197 – Genre : exil, amour filial, immigration, deuil, témoignage
De l’annonce de la mort de mon père, Kaddour, le 15 août 2020, à sa mise en terre six jours plus tard, mon deuil me paraît confisqué tant la maison ne désemplit pas d’un flot ininterrompu de visites. Ce sont aussi six jours de crainte tant la complexité de la situation liée au covid rend incertaine la possibilité que son corps puisse être rapatrié en Algérie comme il le souhaitait. Six jours durant lesquels je m’échappe pour convoquer nos souvenirs. Ce que je sais de son enfance misérable en Algérie, de son arrivée en France qu’il sillonnera au volant de son camion, jusqu’à la chute, corps meurtri. Mais aussi ce qu’il m’a transmis, le rapport à la terre, au langage, et aux livres. J’ai dressé son portrait pour donner de la chair et sortir de l’anonymat ces hommes déracinés réduits à leur condition d’ouvriers, tiraillés entre deux pays. Et avant tout, j’ai voulu rendre hommage à l’homme sans qui je ne serais pas la femme que je suis. »R. B.
Ju lit Les Mots
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Catégories :Contemporain, Historique, Stock

De feu et d’or de Jacqueline Woodson
Très bel avis plein d’émotion et de sensibilité comme semble l’être ce roman.
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Merci beaucoup Audrey, je suis contente de faire ressentir cette émotion. C’est effectivement un livre très émouvant et un bel hommage
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Merci Julie pour cet émouvant partage. Un livre et une auteure que je découvre à travers tes mots.
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Merci Céline 🙂
Effectivement c’est très émouvant
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Faut arrêter de me donner envie ! Encore un roman tentant pour me sortir de ma zone de confort 🙂
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C’est vrai que ces derniers temps, j’ai lu pas mal de roman avec cette thématique, cela te laisse le choix, même si les deux, sont construits différemment 😉
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Ne me tente pas ♫ 😉
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😜😉
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