
De bien des manières […], la douleur avait été transmise de génération en génération, raison pour laquelle tant de gens ne pourraient jamais comprendre à moins que ce ne fût leur histoire, à moins que cette histoire ne fût la leur. Pour certains groupes en Amérique, le traumatisme était en quelque sorte un héritage.
J’ai découvert la plume de David Joy avec Le poids du monde et j’ai le souvenir d’un livre fort que j’avais beaucoup apprécié. J’étais donc ravie de lire son dernier opus.
Je me suis lancée, encore une fois, sans lire la quatrième de couverture, que j’ai découvert après ma lecture et sincèrement, je ne regrette pas du tout. Je trouve qu’elle ne correspond pas entièrement à ce que j’ai pu lire…
L’esclavagisme a laissé une empreinte très forte en Caroline du Nord, profondément ancré dans le quotidien des gens, il y a encore peu. Pendant la guerre de Sécession, elle fait partie des États confédérés d’Amérique et ne rejoindra l’Union que 7 ans plus tard, en 1868. Beaucoup plus proche de nous, cet Etat du Sud a instauré un programme de stérilisation forcé entre 1929 et 1974 visant les Noirs, faisant environ 7 600 victimes, y compris des enfants.
C’est sur ce terreau fertile que David Joy plante son intrigue en la faisant s’alterne entre deux histoires qui se croisent par moment, mais resteront finalement bien distinctes, mais dans la même veine. La petite ville de Caroline du Nord, petite ville typiquement américaine, sera à feu et à sang pendant quelques semaines.
D’un côté, nous avons, Toya, étudiante et artiste afro-américaine, qui doit finaliser un projet de fin d’études et passe quelque temps chez sa grand-mère.
L’impact que l’œuvre produit sur le monde, c’est plus important que l’œuvre elle-même. C’est plus important que la durée de l’œuvre à n’importe quel sens physique. C’est l’art comme instrument de transformation sociale.
De l’autre, un suprémaciste blanc, de passage, un brin SDF, mais en quête de reconnaissance. Il a en sa possession un carnet bien compromettant avec tous les noms des racistes du coin. Le Ku Kux Klan a encore de beaux jours devant lui…
La tension monte crescendo au fil de la lecture.
Dans cette petite ville, où le racisme ne porte pas son nom, David Joy, à travers ses personnages démontre que les apparences sont parfois bien trompeuses, les amitiés faussées par un racisme larvé et les racines du mal sont enterrées bien trop profondément…
Avec un rythme soutenu et sans temps mort, l’embrasement aux ramifications profondes, remonte jusqu’aux arcanes politiques, bien pourris et provoquer deux meurtres sordides…

De ces deux faits divers, découle une enquête brillamment menée par une enquêtrice qui remontera aux racines du mal et donnera toute sa dimension à cette histoire très visuelle, et bien trop réelle. Certainement que le fait que l’auteur vive dans cet Etat lui permet d’apporter un certain réalisme au récit, grâce à une construction narrative, précise, à la tension extrême.
La psychologie des personnages est d’une densité profondément humaine et on ne peut rester indifférent à la tristesse de ces deux femmes, mère et grand-mère qui au fil de l’avancée du récit de David Joy, prennent vie sous des sentiments palpables. Leur amour, résilience force le respect.
L’auteur aborde plusieurs thématiques qui donnent une profondeur et une densité au récit qu’il sera difficile d’oublier Toya et cette famille afro-américaine qui fait de son héritage historique une force porteuse d’espoir.
Finalement, David Joy mêle avec subtilité les problèmes de racisme, d’esclavagisme, mais aussi de son héritage et de ce qu’on en fait.
Comment peut-on se sentir accepté, quand les stigmates d’un héritage colonisateur ou esclavagiste sont visibles et palpables ? Même si je ne suis pas pour l’effacement de certains faits historiques, ou le déboulonnage des statuts à tout-va, j’avoue humblement que ce livre m’a fait réfléchir sur cette question particulièrement. Ce qui au-delà de m’avoir fait passer un excellent moment, permet une réflexion nécessaire, dans un monde où chacun doit pouvoir se sentir appartenir à un ensemble.
Je remercie les Éditions Sonatine et Netgalley pour l’envoi de ce titre.
Parution : 29 août 2024 – Éditeur : Sonatine – Pages : 432 – Traduction : Jean-Yves Cotté – Genre : roman noir, policiers, polars, littérature américaine, thriller, thriller-psychologique
Après quelques années passées à Atlanta, Toya Gardner, une jeune artiste afro-américaine, revient dans la petite ville des montagnes de Caroline du Nord d’où sa famille est originaire. Déterminée à dénoncer l’histoire esclavagiste de la région, elle ne tarde pas à s’y livrer à quelques actions d’éclat, provoquant de violentes tensions dans la communauté. Au même moment, Ernie, un policier du comté, arrête un mystérieux voyageur qui se révèle être un suprémaciste blanc. Celui-ci a en sa possession un carnet dans lequel figurent les noms de notables de la région. Bien décidé à creuser l’affaire, Ernie se heurte à sa hiérarchie. Quelques semaines plus tard, deux crimes viennent endeuiller la région. Chacun va alors devoir faire face à des secrets enfouis depuis trop longtemps, à des mensonges entretenus parfois depuis plusieurs générations.


Challenge American Year – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 juillet 2024 au 11 juillet 2025)
Ju lit Les Mots
– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes –
Catégories :Challenge An American Year, Challenge Polars et Thrillers, Romans noirs, Sonatine, Thrillers/Polars

Chronique des secrets enfouis : Tous des animaux de Morgan Greene
Le Sang des Innocents de S.A. Cosby – Un polar à la croisée du thriller et du drame social, entre ségrégation et quête de justice
Moi aussi, je l’ai dans ma liseuse grâce à l’Éditeur et à NG. Pas encore eu le temps de le découvrir, mais avec cet avis, j’ai hâte ! Merci
J’aimeJ’aime
Bonne lecture alors 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
C’est un des romans de la rentrée que je souhaite absolument lire ! Je n’en ai pas coché des masses, mais lui, ça reste une valeur sûre 😉 Merci à toi.
J’aimeAimé par 1 personne
Disons que tu pars sur une valeur sûre 😉 Bonne future lecture 😉
J’aimeAimé par 1 personne
En espérant que je ne foire pas la valeur sûre, comme je sais si bien le faire
J’aimeAimé par 1 personne
ça peut arriver… Mais tu trouveras quelque chose à te mettre sous la dent quand même 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne risque pas la pénurie 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
:-p
J’aimeAimé par 1 personne
C’est effarant ce besoin constant et ineffaçable de s’identifier toujours dans un nous opposé à un eux.
En même temps, je me demande si ce n’est pas ainsi que l’enfant s’identifie, construit son moi face à un toi et à un eux ?
Le seul ouvrage que nous devrions tours entreprendre, c’est d’exclure l’agressivité, la haine ou le mépris envers ces eux différents de nous. Un ouvrage infini, au même titre que le combat pour l’égalité femmes-hommes.
J’aimeAimé par 1 personne
Il n’y a aucune agressivité dans ce livre, c’est un simple constat de drame qui vont toucher des gens simples qui pendant des années pensaient être amis, tout en laissant des petites touches de racismes traverser leur quotidien.
C’est une demande de reconnaissance, une quête de soi, non pas une crise d’enfant gâté. Je ne suis pas pour l’effacement de l’Histoire ou son remaniement, ou le déboulonnage de statuts, mais ce livre a le mérite de poser une idée intéressante : comment en étant enfant d’esclave, peut-on vivre dans un pays qui nous rappel constamment que nous sommes descendants d’esclaves et qui continue à venir fleurir des hommes pour l’esclavagisme. Je trouve l’idée très intéressante et elle fait réfléchir. N’oublions pas que nous sommes aux Etats-Unis et que les noirs, pour beaucoup de blancs ne sont pas considérés comme des Hommes. Pour comprendre ce mal profond, je pense qu’il faut s’intéresser à l’histoire du pays. Ce que nous vivons en France ou en Europe n’est pas comparable. Je t’invite à découvrir un documentaire très révélateur de l’image du noir aux Etats-Unis https://julitlesmots.com/2020/06/10/documentaire-13th-les-origines-de-la-discrimination-des-noirs-aux-etats-unis/ C’est édifiants !
J’aimeAimé par 1 personne
Très belle chronique, merci Julie ☺️. Je connais l’auteur de nom, mais je ne pense pas l’avoir déjà lu.
Une thématique forte traitée dans ce polar, et qui pose effectivement une question intéressante. Un roman qui pourrait me plaire je pense, je le note dans mon petit carnet 😉
J’aimeAimé par 1 personne
C’est une belle réflexion sur la société américaine tout en étant un excellent polar ! Avec ton bic 4 couleurs :-p
J’aimeAimé par 1 personne
Vouiii 😂
J’aimeAimé par 1 personne
❤
J’aimeAimé par 1 personne
En plus d’être bien écrit, ce roman semble porteur de réflexion.
J’aimeAimé par 1 personne
David Joy se sert vraiment des maux de l’Amérique profonde pour ses trames et j’aime beaucoup. En plus c’est très bien écrit…
J’aimeAimé par 1 personne
Un auteur que je ne connais pas, tu donnes vraiment envie de lire ce titre, encore un qui m’a échappé en cette rentrée littéraire !
J’aimeJ’aime
Il est toujours temps de le découvrir 😉 Ses livres sont très bons et explorent la société américaine avec justesse, je trouve. Je suis ravie de te donner envie 😉
J’aimeJ’aime
J’apprécie beaucoup David Joy et ce que tu dis de son tout nouveau roman m’incite à le noter tout en haut de ma PAL. Merci Julie pour cette très belle chronique ! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Je trouve qu’il arrive à nous faire ressentir cette Amérique profonde que l’on ne connait pas. Ravie que tu apprécie cet auteur aussi et j’espère que ce livre te plaira autant qu’à moi 🙂 Merci Frédéric 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Un programme de stérilisation forcé, quel horreur… Et ces pauvres femmes qui ont dû subir un tel traitement. 😔 En tout cas, ce roman semble s’attaquer à des thèmes bien sombres de l’histoire américaine, je ne connaissais pas du tout cet auteur mais ca m’intéresse. 🙂
J’aimeJ’aime
Oui c’est horrible ! On parle souvent de la seconde guerre mondiale, de l’Afrique du Sud, mais les américains ne sont pas en reste. C’est en regardant une série que j’ai vu cette histoire de stérilisation forcée, aussi à destination des indiens…
C’est un excellent titre et un excellent auteur 😉 C’est un auteur que j’aime beaucoup, car il se sert des travers de la société américaine. En plus il habite en Californie, donc il sait de quoi il parle 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Drôle de coïncidence, je me suis fait la même remarque sur l’histoire américaine cette semaine après avoir vu un film où ils évoquent les scandales liés à la guerre en Irak pendant le gouvernement Bush. Je me suis dit que leur histoire était très chargée et que les événements étaient souvent récents (même si je sais bien que les européens ont aussi leur lot de violence sur les bras). Cela dit, ça n’empêche pas d’avoir envie d’en savoir plus sur ce roman, alors je note. Merci Julie ! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
C’est drôle ! C’est un signe que tu dois lire ce livre 😉
C’est fou les leçons qu’on fait aux autres, sans voir comment on agit soi-même…
Je pense que l’Histoire Européenne d’une manière générale, est jalonnée de violence, mais les philosophes des lumières ont au moins permis cette ouverture d’esprit. Ce que les EU n’ont pas eu… Au moment où ce continent était « découvert » l’Europe était en pleine effervescence et modernisme, avec la renaissance qui a duré 200 ans. Les gens partis de l’Europe pour un avenir meilleure, ont donc construit un pays sur les bases de l’ancienne Europe et n’ont donc pas évolués…
J’aimeAimé par 1 personne
Tu as raison, ce soit être un signe 😉
C’est vrai, l’histoire européenne est peut être plus étendue sur le long terme, avec un certain recul, et des prises de position qui ont forgé la culture des pays. Les Usa ont construit leur histoire plus tard, avec parfois des représentants assez controversés pour les diriger. Les évènements étant plus récents, ils nous paraissent d’autant plus affreux. Cela dit, peu importe notre pays, nous ne sommes jamais à l’abri. C’est important de parler et de se souvenir des faits commis, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs..
J’aimeJ’aime
Je suis entièrement d’accord ! Cela ne nous met pas à l’abri et c’est en parlant de ces sujets qu’on s’en prémuni… Enfin plus au moins 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne sais pas si tu as eu mon commentaire alors je me permets de republier, désolée pour le doublon si c’est encore passé en indésirable.
Je me faisais la même réflexion il y a peu concernant l’histoire américaine après avoir vu un film où étaient évoqués les scandales liés à la guerre en Irak sous le gouvernement Bush. Même si l’Europe a aussi sont lot de violence sur les bras, les faits en Amérique sont souvent très récents, et on ne connait pas tellement leur histoire. Alors malgré la dureté des sujets, ce roman est d’autant plus intéressant, je le note et je te remercie. 🙂
J’aimeJ’aime
Ah les doublons, c’est pénible des fois 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Oh pardon 🫤
J’aimeJ’aime
Mais non, c’est drôle 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Ouf ! 😇
J’aimeAimé par 1 personne
Un roman que j’ai dans ma liste d’envies, attirée par les thématiques abordées et la psychologie fouillées des personnages.
J’aimeJ’aime
Ce qui est intéressant c’est que l’auteur aborde vraiment des sujets de société et qui font réfléchir ! J’espère si tu le lis qu’il te plaira autant qu’à moi
J’aimeAimé par 1 personne