La haine est comme une pandémie, elle se répand dès qu’elle trouve le moindre vecteur de contagion.

La Revanche d’Arttu Tuominen est un thriller qui frappe fort, mêlant habilement suspens, émotion, et réflexions sur la société. C’est un livre qui ne se contente pas de divertir, mais qui interpelle.

J’ai retrouvé avec plaisir les enquêteurs rencontrés dans Le serment et apprécié chaque faille, chaque interrogation qu’ils se posent.

Si dans le premier, le roman se concentre sur Jari, dans celui-ci, c’est au tour d’Oksman d’être sous les feux des projecteurs. Et je dois dire que j’ai apprécié l’humanité que l’auteur met dans ses personnages. Il leur donne vie pour explorer des thématiques fortes, sociales et d’une grande densité.

Si dans Le serment, l’amitié est au cœur du récit, ici, nous sommes dans une quête personnelle et un désir de reconnaissance. Les sujets sociétaux, comme la place des homosexuels, l’homophobie, sont décortiqués, mais tout en nuances, sans prendre le pas sur l’enquête, alors même qu’ils en sont le noyau. C’est aussi l’occasion pour l’auteur d’explorer les traumatismes liés à l’enfance, et à la reconnaissance par les autres, ou la famille.

Pour Oksman, son coming out ne se fera pas encore pour cet opus, mais sa relation au départ tendue avec Jari, s’apaise et les deux finalement se comprennent, et chacun respecte la vie et les choix de l’autre. Son enquête lui apportera cette reconnaissance dont il a cruellement manqué dans son enfance, entouré d’une mère effacée et d’un père violent… Devenir flic a certainement été une manière d’exorciser ses peurs et peut-être enfin d’être reconnu comme être à part entière.

Encore faut-il pour cela s’accepter soi-même…

Comme dans Le serment, l’auteur dresse un portrait réaliste de la société finlandaise et c’est parfois assez lamentable. On a tendance à idéaliser les pays nordiques, et même s’il fait bon y vivre, (enfin peut-être), comme de nombreux pays, la Finlande fait face à la montée du racisme, à l’homophobie, avec une crise économique qui exacerbe les tensions. Une société avec de plus en plus de groupes extrémistes. D’un côté le fondamentalisme religieux, de l’autre des groupes revendiquant une liberté légitime.

L’auteur décortique cet aspect sociétal politisé, dont j’ai apprécié les inflexions.

Quand on amène les gens à s’entredéchirer à propos de leurs avantages et de leurs valeurs, les groupes extrémistes radicaux ont plus de facilité à s’imposer, car ils semblent défendre leurs opinions avec force et courage. Plus la crise économique est profonde, plus ils engrangent de soutien. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, les groupuscules national-socialistes dirigés par Pekka Siitoin ne suscitaient que des moqueries, mais à partir des années 2000, l’extrême droite est devenue fréquentable.

Certaines réflexions sont très proches de ce que l’on peut connaître en France, et je suis persuadée que les pays d’Europe vivent des choses similaires.
C’est une enquête très intéressante, menée tambour battant et décrite d’une main de maître.

L’adhésion aux partis populistes de droite a augmenté partout en Europe. » Tous acquiescèrent. Le phénomène était connu – White Order, Fermez les frontières, Soldiers of Odin, Suomen Sisu, le Mouvement de résistance national-socialiste de Finlande, La Finlande d’abord ! et les sites d’infox comme MV-media. La frontière entre les incitateurs à la haine, les auteurs d’actes de violence et les partis politiques s’était brouillée et le changement ne touchait pas seulement les groupes ouvertement fascistes, mais aussi l’ensemble de la société. Les démocraties défendant les valeurs sociales et solidaires traditionnelles étaient de plus en plus souvent jugées trop faibles parce qu’elles n’avaient pas réussi à contrer la récession. Des termes tels que droits-de-l’hommiste et écolo-gaucho étaient devenus des injures au même titre que raciste ou fasciste.

Si vous voulez lire un bon polar sociétal, avec des personnages forts et très humains, La revanche est un livre à découvrir. J’ai passé un excellent moment, en compagnie d’enquêteurs de qualité au cœur d’une enquête policière dense.
La série Delta noire porte bien son nom avec ces deux opus !

Parution : 20 septembre 2024 – Éditeur : Le point – Pages : 384 – Traduction : Anne Colin du Terrail – Genre : thriller, romans policiers, polars, littérature finlandaise, homosexualité, thriller social  

Dans la petite ville finlandaise de Pori, une boîte de nuit fréquentée par la communauté LGBTQIA+ est touchée par une explosion. L’inspecteur Henrik Oksman se retrouve chargé de l’enquête. Mais pour lui, ce n’est pas une affaire comme les autres : présent dans le club ce soir-là, il a quitté les lieux avec un autre homme peu avant l’attentat. À mesure que l’investigation avance, Oksman se retrouve déchiré entre sa vie intime, qu’il a toujours su préserver, et son sens du devoir.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 juillet 2024 au 11 juillet 2025)

Catégories :Challenge Polars et Thrillers, Points, Romans noirs, Thrillers/Polars

Tags:avis lecture, chronique, polar, thriller, thriller psychologique