
De longues années se sont écoulées depuis mon dernier véritable tête à tête avec Bardamu. Ceci dit, on ne s’est jamais réellement perdus de vue. Il nous arrivait de nous retrouver autour d’un paragraphe, au tournant d’une page, à m’extasier de ses mots.
Puis un jour, j’apprends que des manuscrits disparus ont refait surface. Je ne savais pas quoi en penser ! Chez moi, l’appréhension le disputait à l’excitation. S’agissant du premier jet de l’œuvre, à quoi fallait-il s’attendre ? À quoi pouvait ressembler un texte brut de Céline, lui qui était connu pour sa méticulosité ? Céline le magicien, comme j’aime l’appeler. Celui qui fait jaillir des éclats d’or de sa plume et transforme les mots en arcs-en-ciel ! Me décevrait-il ?
Il y avait aussi Bardamu. Mon compagnon d’âme. L’inadapté à qui on a oublié de fournir le mode d’emploi de la vie. Saurais-je le reconnaître ?
Délicatement, et le cœur frémissant, j’ouvre Guerre et me retrouve nez à nez avec Ferdinand avant Bardamu, au milieu d’un champ de bataille. Une plongée directe dans le chaos, au cœur de la « boucherie », comme il aime le dire.
Seul survivant, Ferdinand se relève et se met à marcher. Éternel vadrouilleur,
mon anti-héros préféré ne me déçoit pas. Avec son ire et sa faconde inégalable, il me donne le sourire et fait pleurer mon âme.
Céline, poète maudit, jongle avec les mots, envoie balader le politiquement correct et détruit les illusions. Il mélange l’écriture cinématographique au sarcasme macabre pour en faire jaillir une poésie à nous fendre le cœur.
Il me fait rire « Ferdi » quand, à l’officier britannique qui lui demandait : Where do you come from ?, il répond : Ça j’y avais plus pensé d’où que je commais from ?
J’avais le cœur serré en le voyant traîner en lui sa “peine atroce jusqu’au fond de la vie”.
Je vibrais en l’entendant évoquer cette “rivière qui coulait de la lune”.
Ferdinand finit par échapper à la guerre, mais la guerre ne le lâchera plus. Elle s’est installée douillettement dans sa tête.
De « Voyage » en « Guerre », on atterrit à « Londres ». Rendez-vous pris, le temps de reprendre mon souffle, et je me fondrai volontiers dans le tourbillon jubilatoire du maître.
Parution : 5 mai 2022 – Editions : GALLIMARD – Pages : 192 – Genre : littérature française, première guerre mondiale, témoignage, autobiographique
Parmi les manuscrits de Louis-Ferdinand Céline récemment retrouvés figurait une liasse de deux cent cinquante feuillets révélant un roman dont l’action se situe dans les Flandres durant la Grande Guerre. Avec la transcription de ce manuscrit de premier jet, écrit quelque deux ans après la parution de Voyage au bout de la nuit (1932), une pièce capitale de l’oeuvre de l’écrivain est mise au jour. Car Céline, entre récit autobiographique et oeuvre d’imagination, y lève le voile sur l’expérience centrale de son existence : le traumatisme physique et moral du front, dans « l’abattoir international en folie ». On y suit la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où, gravement blessé, il reprend conscience sur le champ de bataille jusqu’à son départ pour Londres. À l’hôpital de Peurdu-sur-la-lys, objet de toutes les attentions d’une infirmière entreprenante, Ferdinand, s’étant lié d’amitié au souteneur Bébert, trompe la mort et s’affranchit du destin qui lui était jusqu’alors promis. Ce temps brutal de la désillusion et de la prise de conscience, que l’auteur n’avait jamais abordé sous la forme d’un récit littéraire autonome, apparaît ici dans sa lumière la plus crue. Vingt ans après 14, le passé, « toujours saoul d’oubli », prend des « petites mélodies en route qu’on lui demandait pas ». Mais il reste vivant, à jamais inoubliable, et Guerre en témoigne tout autant que la suite de l’oeuvre de Céline.
Ju lit Les Mots
– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes –
Catégories :Contemporain, Gallimard, Les avis de MyrlitBooks

Pas encore lu Londres. Mais Guerre fut tellement édifiant à lire pour comprendre que le dandy Louis Ferdinand Céline d’avant la guerre, antisémite comme l’époque, raciste envers les nègres, comme beaucoup, allait devenir cet enragé ami des nazis, sa colère s’étant transformé en rage !
Un écrit, je suis d’accord, qu’il ne peut laisser indifférent !
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J’avais eu du mal à lire Céline, mais peut-être que celui-ci me serait plus abordable ?
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Je n’ai jamais lu Céline pour ma part et franchement pas envie…
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Dommage Julie! Ne serait-ce que quelques pages du Voyage pour découvrir une écriture qui ne ressemble à rien d’autre.
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Peut-être un jour, mais je ne suis vraiment pas tentée…
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Je voulais le tenter, pour ne pas mourir sans l’avoir lu, ou au moins « tenté le coup ». Bof, j’ai eu du mal et j’ai abandonné, mais maintenant, je peux plastronner que j’ai lu Céline (quand on me fait chier avec les « tu ne lis que des polars, tu ne veux pas lire autre chose ? »).
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Pourquoi pas commencer par Voyage au bout de la nuit?
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J’avais commencé par « d’un château l’autre » et peut-être aurais-je dû commencer par celui que tu me suggères…
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Je n’ai pas encore lu “D’un château l’autre”. “Mort à crédit” est souvent cité comme l’équivalent de “Voyage”, je n’en ai lu que quelques extraits pour l’instant. Son tou viendra.
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Un jour, on lira un autre de ses romans 😉
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je recommande les podcasts de Philippe Collin sur Céline.
Je suis certaine que « le voyage au bout de la nuit » est un chef d’œuvre et que son auteur et une crapule !
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Non, surtout pas! Le parti pris du journaliste est flagrant. Il bafoue effrontément la déontologie de sa profession en interprétant subjectivement des propos et des extraits sortis de leur contexte.
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pour juger Céline il n’y a vraiment pas besoin d’être subjectif il suffit de lire ses pamphlets antisémites .
Mais je le redis « le voyage au bout de la nuit » est un chef d’œuvre
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Voilà un livre dont un de mes lecteurs du Kawa nous a parlé.
Il avait beaucoup aimé….
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Je n’ai encore jamais lu Céline. Peut-être que j’essaierais, avec Voyage au bout de la nuit.
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Un bon choix pour découvrir la plume et le style céliniens. “Guerre” et “Londres” restent des projets non aboutis même si l’on y retrouve l’âme de l’écrivain.
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