Les sélectionnés Prix de la littérature arabe 2024


Comme chaque année, je vous présente les sélectionnés du prix de la littérature arabe.

Le lauréat de l’année dernière est Feurat Alani avec Je me souviens de Falloujah.

Cette année, la sélection est aussi riche que les années précédentes, mettant en lumière la richesse de la littérature arabe, à travers des auteurs issus de pays divers tels que l’Algérie, le Liban, la Libye, la Palestine et la Tunisie, qui écrivent en arabe ou en français, mais aussi, la qualité des traductions et la diversité des sujets abordés. En effet, on parle peu des traductions, pourtant le rôle des traducteurs est essentiel dans la transmission de cette richesse et cela quelque soit la littérature et le pays.

Depuis 2013, le Prix de la littérature arabe distingue la création littéraire du monde arabe, en récompensant l’œuvre d’un écrivain originaire d’un des pays de la Ligue arabe, auteur d’un livre écrit ou traduit de l’arabe vers le français et publié entre le 1er septembre 2023 et le 30 septembre 2024.

Le lauréat sera annoncé lors d’une cérémonie prévue le 27 novembre 2024 à l’Institut du monde arabe.

Du pain sur la table de l’oncle Milad de Mohammed Alnaas

Parution : 2 mai 2024 – Éditeur : Le bruit du Monde – Traduction : Sarah Rolfo – Pages : 320

 » … ne mélange pas directement la levure et le sel. Ces deux ingrédients sont comme les hommes et les femmes.  » Ce conseil, Milad le reçoit de son père, maître-boulanger, lorsque celui-ci décide que le moment est venu de partager avec son fils sa passion pour son métier. En même temps qu’il lui transmet son amour profond pour le pain, il lui enseigne aussi à être un homme.
A travers l’histoire de Milad qui vit un conflit perpétuel entre sa part naturelle de féminin et une virilité brutale imposée par son éducation et par la société, Mohammed Alnaas nous décrit les bouleversements économiques et sociaux de l’histoire de la Libye contemporaine, en particulier pendant les années Kadhafi. Dans une intrigue implacable qui se déploie à travers le récit que Milad fait de sa propre histoire, c’est un déplacement sensoriel, gustatif, musical, visuel et olfactif que vous vous apprêtez à vivre.
Du pain sur la table de l’oncle Milad est le premier roman détonnant de l’auteur libyen Mohammed Alnaas. Il a obtenu le prix international de la fiction arabe.

Journaliste et écrivain, Mohammed Alnaas naît en 1991 à Tajoura, en Libye. À l’aube de ses trente ans, il signe un premier roman magistral, Du pain sur la table de l’oncle Milad, qui remporte en 2022 le prix international de la fiction arabe. Auteur de nouvelles, il vient de publier son deuxième recueil. 

Les carnets d’El-Razi d’Aymen Daboussi

Parution : 5 octobre 2023 – Éditeur : Philippe Rey – Barzakh – Collection : khamsa – Traduction : Lofti Nia – Pages : 324

Le quotidien loufoque et sombre d’un clinicien dans un hôpital psychiatrique en Tunisie, sous la plume irrévérencieuse d’un écrivain tunisien.

 » « J’ai assez travaillé à El Razi comme ça. Cette fois je me casse, définitivement.’ Combien de fois je l’ai dit ? Je suis toujours revenu sur ma décision. Mon intuition me dit, chaque fois, que les choses sont peut-être pires dehors. « 

Le quotidien du narrateur des Carnets d’El-Razi est bien rodé, consigné dans une suite de notes écrites au fil de ses consultations. Car il est psychologue clinicien, et passe ses journées à l’hôpital psychiatrique El-Razi, dans la banlieue de Tunis. Ses patients, qui portent des noms de personnalités célèbres – Dostoïevski, Mademoiselle Cioran, Mohamed Ali… –, sont des hommes et des femmes en grande souffrance. Le narrateur les dépeint d’une plume sardonique. Et progressivement, ils l’entraînent dans une dérive irrésistible, si bien que bientôt sa propre réalité tangue.
Au fil de ses obsessions hallucinatoires, le psychologue rencontre un lézard prénommé Lazer,  » psychanalyste lacanien « , et va même côtoyer le fantôme de son illustre prédécesseur, Frantz Fanon (qui oeuvra durant cinq ans à l’hôpital El-Razi) et qui propose aux patients de nouvelles thérapies aussi loufoques que radicales…
Installant une mécanique implacable menant à un final apocalyptique, Aymen Daboussi signe un récit détonnant. Les égarements du narrateur et de ses patients sont autant de métaphores d’une société gangrenée par l’hypocrisie sociale, les superstitions, une religiosité maladive, ou une institution psychiatrique aux méthodes de soins brutales. Par son écriture libre, se revendiquant d’une littérature de l’outrance, Aymen Daboussi fait de l’hôpital El-Razi le miroir déformé des impasses de son pays.

Né en 1982 à Tunis, Aymen Daboussi est psychologue clinicien et écrivain. Diplômé de l’université de Tunis, il a travaillé durant près de six ans à l’hôpital psychiatrique d’El-Razi, avant d’exercer dans un cabinet privé. Il est l’auteur de deux recueils de nouvelles et d’un roman, ainsi que de nombreuses contributions dans la presse arabe.

Le désastre de la maison des notables d’Amira Ghenim

Parution : 22 août 2024 – Éditeur : Philippe Rey – Barzakh – Collection : khamsa – Traduction : Souad Labbize – Pages : 496

Tunisie, 1935. Dans un pays en pleine ébullition politique se croisent les destins de deux éminentes familles bourgeoises : les Naifer, rigides et conservateurs, et les Rassaa, libéraux et progressistes.

Une nuit de décembre, à Tunis, la jeune épouse de Mohsen Naifer, Zbeida Rassaa, est soupçonnée d’entretenir une liaison avec Tahar Haddad, intellectuel d’origine modeste connu pour son militantisme syndical et ses positions avant-gardistes, notamment en faveur des droits des femmes.

Dans un entrelacement de secrets et de souvenirs, plusieurs membres des deux familles ainsi que leurs domestiques reviennent lors des décennies suivantes sur les répercussions désastreuses de cette funeste soirée. Comme dans un jeu de poupées russes, chaque récit en contient d’autres et renverse la perspective. Avec jubilation le lecteur rassemblera les pièces pour tenter de découvrir ce qui est réellement arrivé à Zbeida Rassaa.

Le désastre de la maison des notables transpose plus de cinquante ans d’histoire tunisienne – de la lutte pour l’indépendance jusqu’à la révolution de 2011 – et de combats pour les femmes. Remarquable de maîtrise, d’un style limpide, d’une construction astucieuse, cet éblouissant roman choral met en scène des personnages envoûtants et inoubliables.

Née en 1978 à Sousse en Tunisie, Amira Ghenim est agrégée d’arabe, titulaire d’un doctorat en linguistique et enseigne à l’université de Sousse. Elle est l’autrice d’essais universitaires et de trois romans, dont Le dossier jaune (2019) et Terre ardente (2024). Le désastre de la maison des notables (finaliste de l’Arab Booker Prize, prix Comar d’Or en Tunisie en 2021) est son deuxième roman, mais le premier à être traduit en français.

Bientôt les vivants d’Amina Damerdji

Parution : 4 janvier 2024 – Éditeur : Gallimard – Pages : 288

« Aïcha courut à travers le village. Ses jambes tremblaient et son coeur battait si fort qu’il semblait vouloir sortir de sa poitrine. Elle connaissait le mot, dhabahine, les égorgeurs. Dhabahine, dhabahine ! »

Algérie, 1988. Après les premières émeutes sauvagement réprimées, le mouvement islamiste montre sa puissance grandissante. La jeune Selma vit dans la proche banlieue d’Alger. Elle n’a qu’une passion, l’équitation, qu’elle pratique dans un centre non loin du village de Sidi Youcef, où se déroulera en 1997 l’un des épisodes les plus atroces de la guerre civile. Elle consacre tout son temps libre au dressage d’un cheval que tout le monde craint, tandis que les déchirements de l’histoire traversent sa famille comme toute la société algérienne : certains sont farouchement opposés aux islamistes, d’autres penchent pour le FIS, d’autres encore profitent du chaos pour s’enrichir… C’est dans ce contexte tragique que Selma apprendra à grandir, trouvant dans la relation avec son cheval et avec la nature un antidote à la violence des hommes. Bien que le martyre du village de Sidi Youcef éclaire d’une lumière terrible les trajectoires des divers personnages, ce roman reste constamment chaleureux et humain.

Amina Damerdji est née en 1987 en Californie; elle a grandi à Alger jusqu’à la guerre civile puis en France où elle commence à écrire de la poésie. Elle a publié des textes dans plusieurs revues de poésie et a écrit, en 2015, un recueil « Tambour-machine ». Elle est co-éditrice de la revue La Seiche.

Le palais Mawal de Dominique Eddé

Parution : 20 mars 2024 – Éditeur : Albin Michel – Pages : 224

« Leur désir endormi par l’amour attendait qu’un autre amour le réveille. Ils respiraient doucement le bonheur de pouvoir le retrouver ou y renoncer.
– Je suis bien disait Léonora.
– Moi aussi je suis bien.
Ils s’écoutaient par tous les pores. Ils faisaient le même silence, le même bruit, savouraient chaque seconde de ces longues minutes où il ne se passait rien.
– Le Liban… dit-elle à voix très basse.
– Quoi le Liban ? demanda-t-il en posant les lèvres sur le bout de son nez.
– Rien, rien…je ne sais plus, je ne sais plus Salim, jamais je n’aurais cru. Je t’ai fait mal, tellement. Oui, oui, je t’ai fait mal, ne dis pas non, je sais, je sais mon amour, ne dis rien s’il te plaît, je vais me taire, je te promets, est-ce que je peux t’aimer toute seule sans que tu n’aies rien à faire ? »

Dominique Eddé est née en 1953 à Beyrouth. C’est une romancière libanaise de langue française, issue d’une grande famille maronite. Successivement enseignante, critique littéraire, traductrice et éditrice elle publie aussi des articles analysant les problèmes politiques du Moyen orient dans le Monde et le Nouvel Observateur.

L’Éden à l’aube de Karim Kattan

Parution : 30 août 2024 – Éditeur : Elyzad – Pages : 328

Alors qu’un étrange vent de sable ensevelit le pays, deux hommes se croisent chez tante Fátima. Dans Jérusalem, ville labyrinthe, on se séduit chaque nuit en imaginant des histoires de jinns, de lions et de chevaliers.

En cette saison démoniaque, Gabriel et Isaac s’aiment, se perdent et se retrouvent, puis décident, en dépit du sable et des checkpoints, de partir en vacances… Mais n’est-ce pas un projet fou dans un pays morcelé ?

De Jérusalem à Jéricho, puis au mystérieux village où l’on oublie de mourir, jusqu’aux piscines de Salomon, c’est une aventure amoureuse, une recherche de lumière et de liberté.

Son premier roman, Le Palais des deux collines est paru aux Éditions Elyzad en 2021. Ce roman est lauréat du Prix des cinq continents de la francophonie 2021. Il est, de surcroît, retenu dans la sélection du Prix Hors Concours, du Prix Marie-Claire Blais 2023, finaliste du Prix Senghor du premier roman francophone, du Prix Mare Nostrum, et du Prix Alain-Fournier.

Il faut revenir de Hala Moughanie

Parution : 21 septembre 2023 – Éditeur : Project ‘îles – Pages : 264

Portée par l’espérance, Lila rentre au Liban au début des années 2000, après des années d’exil. Elle aime, rêve et dérive, entre autres auprès du mystérieux Ibrahim, antiquaire et pygmalion approximatif. Devenue journaliste, elle tâtonne. De paysage en paysage. Entre un attentat et une manifestation. Entre la beauté époustouflante d’une terre millénaire et l’absurdité destructrice du quotidien. Dans ses périples immobiles, elle est rejointe par sa soeur aveugle, Rim, pythie urbaine en quête de sacré sur cette terre détruite. A deux, elles incarnent les paradoxes du désespoir autant que les désirs de se réinventer un chez-soi : le Liban n’est-il pas le pays de tous les (im)possibles, un territoire qui n’obéît à aucune règle ?

Hala Moughanie est une dramaturge, romancière et consultante dans le domaine de la coopération internationale franco-libanaise née en 1980 au Liban. Elle se voue « à l’impossible travail de mémoire dans un pays en reconstruction, mais où les stigmates de la guerre sont encore visibles »

Je remercie les Éditions Elyzad et Project’îles pour leur confiance.

Ju lit Les Mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes –




Catégories :Prix de la littérature arabe

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16 réponses

  1. Merci pour cette présentation !

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  2. Merci Julie de partager avec nous ces romans et ce prix, que personnellement je ne connaissais pas avant de te rencontrer. J’ai trop hâte de connaître ton sentiment sur ces lectures, surtout sur le nouveau Karim Kattan 😉

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  3. Avatar de ducotedechezcyan

    Une sélection intéressante. Je lirai tes avis attentivement si tu en publies 😉

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  4. « Bientôt les vivants » me tente (vu la couverture) 😉

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  5. Ils sont tous tentants en fait ! Moi aussi, j’ai hâte de lire tes avis !

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  6. Encore une bien belle sélection pour ce prix qui même si il est récent à le mérite d’exister !

    Merci Julie de le relayer ! 🤩

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