
Le vice et le crime étaient partout, suintaient par tous les pores de la ville, en dépit du vernis de vertu et de respectabilité dont se parait la société polie, et ce du taudis le plus crasseux jusqu’au plus riche palais, et c’était son travail en tant qu’un des quatre alcaldes de crimen œuvrant à l’Audience royale et au tribunal de Valladolid de leur faire barrage.
Avec Matthew Carr, on se retrouve parachuté dans l’Espagne du 16e siècle. Le 16e siècle où l’odeur du cramé des bûchers de l’Inquisition est très présente. Les bûchers flambent pour la gloire de Dieu et pour la paix des âmes innocentes, perverties par le Malin. Les liens entre l’Église et l’Etat n’ont jamais été aussi forts permettant à l’Inquisition de faire ce qu’elle veut de ces malheureux promis à l’enfer…
L’Espagne a été arrachée à cette longue occupation des Maures, qui aura laissée des traces, tant religieuses, culturelles qu’architecturales. Malgré les conversions en masse, souvent par la force… L’Inquisition vit dans un climat de suspicion omniprésent. Ces conversions, sont-elles sincères ? La torture, la terreur sont palpables et la vie de chacun peut basculer du jour au lendemain sur simple doute ou délation.
Le meurtre d’un simple curé, le Rédempteur qui promet le retour du califat en Espagne et c’est le feu aux poudres, enfin aux bûchers dont les cendres ne sont jamais froides.
L’auteur propose plusieurs genres dans son intrigue, y mêlant tout à la fois une aventure digne des trois Mousquetaires, une enquête menée de main de maître avec des personnages brillamment campés, le tout servi sur une toile historique que l’on connaît peu.
Cette densité dans l’intrigue, trouve un large écho dans notre présent et c’est plutôt agréable, même si j’aime beaucoup les thrillers historiques, cela permet de réaliser que l’histoire n’est que recommencement…
En lisant ce bouquin, je n’ai pu m’empêcher de faire le parallèle avec le film de Youssef Chahine « le destin », dont j’ai savouré chaque minute, tellement il était documenté, travaillé. Nous sommes ici dans le même genre, sans lourdeur ou ennui. La plume est visuelle, parfois poétique avec un brin de malice. On retrouve cette atmosphère particulière, sombre, mais poétique avec une enquête qui se révèle un apprentissage de fond comme avec « Le nom de la Rose » de Umberto Eco. Dont l’influence n’est pas loin.
Il y a pourtant dans « Les Diables de Cardona » une modernité sous-jacente qui ne fait que mettre en exergue les limites de notre époque… Je dirais même les régressions de notre époque. La peur de l’autre, de l’inconnu, la haine des homosexuels, la condition des femmes… Bref tout y est sauf que nous sommes au 16e siècle ! Et c’est plutôt effrayant, car on réalise avec cette lecture, que notre modernisme ne fait qu’accroître la régression. Mais surtout, que malgré la modernité, les idées sont toujours présentent et n’ont pas évolué…
Une lecture qui laisse quelque peu un goût amer lorsque l’on observe le peu d’avancement dans le domaine de la tolérance et surtout à quel point la bêtise humaine est toujours présente… Larvée pour certaines, mais prégnantes pour d’autres…
L’auteur ne se contente pas de nous servir une simple fresque historique, puisqu’il l’agrémente d’une belle intrigue policière où le lecteur va tout à tour se perdre entre les fausses pistes et les personnages parfois discutables qui ne sont là que pour brouiller les indices.
Une intrigue brillante, menée avec brio, un page turner qu’on ne lâche pas facilement, tellement la plume est belle.
Avec « Les Diables de Cardona », on se sent plus intelligent en refermant le livre. Non seulement, on a lu un très bon thriller, mais en plus, un pan entier de l’histoire de l’Espagne n’a plus de secret pour nous. C’est malin et c’est bon.
Je remercie les Éditions Sonatine et Netgalley pour l’envoi de ce titre.
Parution : 16 mai 2018 – Editeur : Sonatine – Pages : 448 – Genre : Thriller Historique, littérature anglaise, polar historique,
Espagne, XVIe siècle : un mystérieux tueur musulman s’en prend à l’Église catholique.
1584. Le prêtre de Belamar de la Sierra, un petit village d’Aragon à la frontière avec la France, est assassiné, son église profanée. Sur les murs : des inscriptions en arabe. Est-ce l’œuvre de celui qui se fait appeler le Rédempteur, dont tout le monde ignore l’identité, et qui a promis l’extermination de tous les chrétiens, avec la même violence que celle exercée sur les musulmans ? La plupart des habitants de la région sont en effet des morisques, convertis de force au catholicisme, et qui pratiquent encore l’islam en secret.
À la veille d’une visite royale, Bernardo de Mendoza, magistrat à Valladolid, soldat et humaniste, issu d’une famille juive, est chargé de l’enquête. Très vite, les tensions s’exacerbent entre les communautés, une véritable guerre de religion se profile. Et les meurtres continuent, toujours aussi inexplicables. Entre l’Inquisition et les extrémistes morisques et chrétiens, la tâche de Mendoza va se révéler ardue.



Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2024 au 11 Juillet 2025)
Ju lit Les Mots
– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes –
Catégories :Challenge Polars et Thrillers, Historique, Le livre de Poche, littérature anglaise, Sonatine, Thrillers/Polars

Lu et apprécié pour son décor et la période historique peu traitée, mais je l’ai trouvé un brin moralisateur et couru d’avance.
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Je n’ai pas eu ce sentiment qu’il était moralisateur, après, les thrillers dans l’ensemble sont souvent cours d’avance 😉
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J’aime beaucoup les thrillers historiques alors celui-ci me tente et semble très bien mené en plus de nous pousser à constater en effet que l’histoire tend à se répéter…
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Je trouve que justement les thrillers historiques permettent de ne pas oublier et mettent le doigt sur ces répétitions bien désastreuses…
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Oui et vu le monde actuel, ce n’est pas superflus…
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tout à fait 🙂
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Rhhhoooo tout ce que j’aime ! Celui-là, je le note. Merci Julie pour la découverte, et pour cette chronique et ton analyse tout en finesse 🥰
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Je savais que ça te plairait 😉 Merci ❤
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ce qui me fait lire ce genre de romans , c’est que j’aime me plonger dans une réalité historique, alors ? pourquoi pas.
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Je comprends que l’aspect historique puisse te plaire 🙂
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Le résumé me tentait bien pour le contexte historique, ton enthousiasme achève de me convaincre.
Comme tu dis, on n’a pas évolué en 5 siècles, c’est décourageant…
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L’Histoire est un éternelle recommencement, car les être humains ont une capacité bien trop forte à oublier…
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Voilà qui est très intéressant, tout ce que j’aime !
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J’espère qu’il te plaira !
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Adoré !
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suis pas surprise 😉
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PTDR
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Voilà un retour qui donne sacrément envie. Moi qui aime les thrillers historiques je le note dans ma PAL. Merci Julie. D’autant plus que j’adore Umberto Eco. 🙂
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En plus c’est d’une belle érudition 🙂
Ravie de te le faire découvrir, Frédéric !
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