Premières lignes… Le diable de la tamise de Annelie Wendeberg – Tome 1 des enquêtes d’Anna Kronberg et Sherlock Holmes

Préface

Je n’avais jamais envisagé d’écrire autre chose que des articles scientifiques jusqu’à ce que j’emménage avec ma famille dans une maison datant de 1529. Alors que nous arrachions toutes les prétendues améliorations modernes afin de restaurer une partie du charme historique de la bâtisse, nous sommes tombés sur un trésor.

Dissimulés sous le plancher du grenier, parmi d’épaisses couches d’argile, de sable et d’aiguilles de mélèze, se trouvaient une douzaine de minces volumes reliés en cuir foncé. C’étaient les journaux intimes d’une femme hors du commun.

La lecture de son histoire m’a laissée sous le choc, elle a suscité mon admiration et m’a fait rêver d’être un jour aussi courageuse qu’elle. Son désir de conserver le secret sur son identité sera respecté. J’ai donc choisi le pseudonyme d’Anna Kronberg en associant le prénom d’une amie, une marque de bière allemande (je m’en excuse) et la dernière syllabe de mon nom de famille. Les proches d’Anna, comme son amant et son père, apparaissent également sous de faux noms, tandis que les autres ont conservé leur véritable identité.

L’histoire n’est au fond guère plus que le registre des crimes, des folies et des malheurs de l’humanité.
– Edward Gibbon-

J’ai enfin trouvé la tranquillité d’esprit nécessaire pour écrire ce qui doit être révélé. À l’âge de vingt-sept ans, j’ai été témoin d’un crime si monstrueux que personne n’a jamais osé en faire publiquement état. En vérité, il n’a jamais été couché sur le papier, que ce soit par la police, les journalistes ou les historiens. L’impulsion
collective a été d’oublier ce qui s’était passé.
Je vais dissimuler ces journaux dans mon ancienne école et je prie instamment celui qui les trouvera de publier leur contenu. Non seulement ce crime doit être dénoncé, mais je souhaite par la même occasion brosser un portrait différent de l’homme qui a acquis la réputation de meilleur détective du monde.

Été 1889

Une des premières choses que j’ai apprises en tant qu’adulte, c’est que, pour les gens qui ont toujours vécu dans la peur et les préjugés, la connaissance et les faits n’ont strictement aucune importance.

Le manque de discernement a toujours été pour moi le trait le plus dérangeant de mes congénères. Selon les toutes dernières théories d’Alfred Russel Wallace, j’appartenais pourtant à la même espèce, la seule parmi les grands singes à se tenir debout sur ses deux jambes et à être pourvue d’un cerveau exceptionnellement gros. Puisqu’il n’existait aucun autre grand singe bipède à grosse tête, il s’ensuivait nécessairement que j’étais humaine. Il m’arrivait d’en douter.

Mon lieu de travail, la salle des maladies infectieuses de l’hôpital Guy à Londres, était une parfaite illustration de l’aveuglement des hommes vis-à-vis des faits. Les visiteurs se montraient conquis en franchissant l’élégante grille en fer forgé. Une fois dans l’enceinte de l’hôpital, ils étaient favorablement impressionnés par la vaste cour, la pelouse, les massifs de fleurs et d’arbustes. Les fenêtres blanches qui
s’élevaient jusqu’au plafond de salles lumineuses et bien aérées donnaient l’illusion d’un agréable refuge pour les malades.

Pourtant, même un œil non exercé aurait dû remarquer la surpopulation des lieux : chacun des quarante lits de ma salle était occupé par deux ou trois patients, reliés par les fluides corporels qui suintaient de blessures infectées ou d’orifices à vif. À cause du manque chronique de place, médecins et infirmières avaient appris à fermer les yeux sur ce qu’ils savaient de la transmission des maladies dans des conditions de promiscuité excessive : la mort se propageait à la vitesse du feu dans une pinède.

Cependant, par la simple force de l’habitude, tous jugeaient la situation acceptable. Le moindre changement eût exigé de la réflexion et de l’énergie ; or personne n’était disposé à consacrer l’une ou l’autre à quiconque sinon lui-même. Par conséquent, rien ne changeait.

Si j’avais été d’un tempérament plus irascible encore, j’aurais ouvertement tenu l’hôpital pour responsable de la mort d’un nombre incalculable de patients privés de soins et de conditions d’hygiène dignes de ce nom. Mais alors, ceux qui nous confiaient leur santé et leur bien-être auraient dû partager le poids de cette culpabilité. En effet, il était de notoriété publique que la mortalité parmi les patients hospitalisés était au moins deux fois plus élevée que parmi les malades demeurés chez eux.

Parfois, je me demandais comment les gens pouvaient bien s’imaginer que les médecins soient en mesure de leur apporter une aide quelconque. Bien que les circonstances me permettent parfois de guérir certaines pathologies, ce samedi ensoleillé ne recelait nulle promesse de la sorte.

Le télégramme qu’une infirmière me remit ne fit que compliquer les choses.


Parution : 18 mai 2017 – Éditeur : Presses de la cité – Pages : 240 – Traduction : Mélanie Blanc-Jouveaux – Genre : policier, polar, polar historique, littérature allemande

Londres, 1889. Quand une victime du choléra est retrouvée dans la Tamise, le Dr Anton Kronberg, bactériologiste de son état, est appelé pour confirmer les causes du décès. Toutes les précautions sont prises pour éviter une épidémie. Les choses auraient pu en rester là si les résultats intrigants de l’autopsie n’avaient poussé Kronberg à s’intéresser de plus près à cette affaire. Alors que Scotland Yard souhaite classer ce cas, Kronberg se rapproche de Sherlock Holmes. Et il ne faut que peu de temps au célèbre détective pour percer le secret du médecin qui, en réalité, est… une femme. Un secret qui pourrait la mener droit en prison s’il venait à être révélé. Mais tous deux vont unir leurs forces pour débusquer un criminel aussi redoutable que Jack l’Éventreur.


Ju lit les mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Contributrice journal 20 minutes – Membre the funky geek club



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19 réponses

  1. C’est vraiment étrange comme histoire. Tu éveille ma curiosité ! Merci pour cette découverte 🙏😊

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  2. J’avais beaucoup aimé cette enquête en duo ma Julie ! :-D🤩

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  3. Un titre qui me plaît et un style qui donne envie de lire la suite 🙂

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Rétroliens

  1. Bilan lectures Juin 2025 – Ju lit Les Mots

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