
Un livre est toujours la réponse à une question que je me pose. Et ce livre encore plus. Le cochon existait dans mes livres et contes, mais certainement pas dans ma vie. Et puis si ! Oh combien il existait !
Depuis des semaines, je n’y peux rien, je ne pense qu’à lui. Il se promène dans ma tête, je le vois partout, il m’obsède. Et pourtant, si je devais dresser la liste de mes ennemis, il figurerait en bonne position. Pendant toute mon enfance, je l’ai craint, et encore aujourd’hui, alors que j’ai 80 ans, il continue de m’inspirer de la peur, comme si je redevenais une petite fille face à lui. Il est tout ce que l’on m’interdisait, tout ce que je me suis toujours interdit.
Quand on m’a expliqué que je n’avais pas le choix, que je devais absolument lui faire une place en moi si je souhaitais continuer de me lever chaque matin, j’ai été comme pétrifiée. Je ne savais plus quoi faire, quoi dire. Accueillir un bout du cochon, que j’ai passé ma vie à fuir, dans mon cœur ? Alors même que je ne prends pratiquement pas de médicaments, préférant un peu de douleur à de potentiels effets secondaires. Cette fois-ci, c’était bien pire, je ne voulais surtout pas engloutir un cochon dans mon cœur défaillant !
Maintenant, l’opération est terminée, les médecins sont rassurés, mais le cochon s’est installé et il refuse de décamper. J’ai beau le pousser vers la sortie, il me quitte quelques minutes et revient par la fenêtre. Je n’ai plus le choix, je n’ai qu’une seule solution, ma solution à tout dans la vie : écrire. Il faut que je lui écrive, il faut que je lui raconte pourquoi je le déteste de toutes les fibres de mon corps, pourquoi je ne parviens pas à l’ignorer.
Je dois écrire une lettre au cochon.
Je n’ai jamais démarré un manuscrit aussi délirant. Comme j’en parle toujours à ma famille et à mes amis, je recueille des réactions plus ahuries et abasourdies que jamais :
« Un cochon ? Mais pourquoi ? »
« Cache ce projet sur le cochon sous ton lit et continue avec ce que tu écris habituellement ! Dieu ne veut pas que tu écrives sur les cochons ! »
Personne n’est heureux avec ce sujet, surtout pas mon amie Alice à New York : « Je n’ai jamais aimé ce thème. Ça ne te ressemble pas. Je le pense depuis la première fois que tu en as parlé. Tu as beaucoup d’autres choses à dire, mais des cochons ! Beurk ! »
Une autre amie me prévient que ça va provoquer les antisémites.
Ma sœur à qui je raconte ce que j’écris tous les jours me hurle : « Laisse-moi tranquille avec ton cochon ! »
Et ma meilleure amie : « Tu deviens folle avec ce cochon ! »
Il n’y a que mon petit-fils Sacha qui lit au fur et à mesure et qui adore. Il me dit : « C’est original et j’apprends plein de choses. »
Je suis toujours, tous les jours et toutes les nuits, envahie par les doutes et le manque de confiance pour chaque livre, mais je n’ai jamais commencé un livre avec autant de peur et de trépidation. Je comptabilise les signes, les phrases, les pages en me disant que jamais je n’y arriverai. Le temps de l’écriture est souvent obsessionnel mais cette fois-ci, c’est carrément de la folie.
Finalement, peut-être que la folie est un bon signe, et si ce livre est le plus difficile à écrire, c’est qu’il est aussi le plus important.
La littérature :
casher, pas casher ?
Cher cochon,
Si tu te demandes pourquoi je t’écris cette lettre, tu comprendras. Je te dirai tout, sans chichis et franchement.
D’abord, désolée ! Tu n’as jamais été invité chez moi ! Le seul cochon qui soit jamais entré chez nous, c’est la tirelire. Je mettais les pièces de monnaie dans sa fente sans penser à ce que cette statuette en poterie représentait. C’était juste ma piggy bank.
Ton nom n’était pas interdit dans mon foyer américain, comme le serait un gros mot, car tu figurais en bonne place dans les comptines que l’on nous récitait, par exemple « This Little Piggy Went to Market ».
Ce petit cochon va au marché (touchez le gros orteil) / Ce petit cochon est resté à la maison (touchez l’orteil suivant, et ainsi de suite) / Ce petit cochon a mangé du rosbif / Ce petit cochon n’a rien eu / Et ce petit cochon a pleuré : snif, snif, snif ! / Tout le long du chemin jusqu’à la maison (chatouillez l’enfant partout).
Parution : 20 août 2025 – Éditeur : JC Lattès – Pages : 180
Susie Morgenstern a un ennemi : le cochon, interdit absolu pour l’autrice élevée dans une famille juive à Newark.
Pourtant, à l’aube de ses 80 ans, son monde est bouleversé. « C’est votre coeur, il va falloir opérer. » Et remplacer la valve aortique par celle d’un porc. Pour la première fois, Susie Morgenstern s’intéresse pleinement à cet animal proscrit, interroge les traditions juives, reçoit un signe de son défunt mari sous la forme d’un manuscrit perdu, et décide finalement d’adresser au cochon une lettre… pour le remercier.
Ju lit les mots
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Une agréable autobiographie humoristique par la grande dame de la littérature jeunesse ! A découvrir !
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Si tu as l’occasion, n’hésite pas 😉
C’est drôle et instructif et puis c’est léger tout en étant profond 🙂
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Oui, je l’ai lu !
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Ah génial 🤩
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Je réécrit… Une autobiographie humoristique de la part de la grande dame de la littérature jeunesse ! À découvrir
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Merci Julie pour le partage de ces premières lignes ! Je ne savais pas que cette auteure avait écrit ce livre, il a l’air excellent 🤩
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Il va bientôt sortir ma Céline et franchement pour le moment c’est à la fois drôle et profond 🙂
Merci à toi 🥰
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🥰
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Je n’ai jamais lu Susie Morgenstern, mais j’aurais bien aimé… peut-être un autre de ses romans.
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Je suis comme toi, mais celui-ci m’a l’air à la fois drôle et profond 🙂
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Il me semblait que tous ses romans étaient à la fois drôles et profonds ! 😉
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Je n’ai aucun moyen de comparaison, mais je l’ai vu quelques fois sur des plateaux et j’ai aimé ce qu’elle dégageait 🙂
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Idem !
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Ce livre a l’air vraiment original, je le lirai s’il tombe entre mes mains. Sur les premières lignes je croyais qu’elle parlait au sens figuré pour désigner un agresseur sexuel ou qqch de ce genre. La réflexion sur les interdits religieux et comment ils nous formatent est toujours intéressante. Bon dimanche
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C’est vrai qu’au début on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé ! Mais finalement, C’est une réflexion intéressante 🙂
Excellente soirée Pat et merci 😉
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Tu titilles ma curiosité, là. Effectivement, ça peut être un cas de conscience. Merci à toi pour le partage 🙏 😘
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La vie a ses raisons que la raison ignore 😅
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Ça ne va pas plaire à ma whislist, ça. 🤣
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😇😅 heureusement les livres ne sont pas périssables 😉
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Pas comme les fleurs et les bonbons 😁
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😅
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J’ai lu ces premières lignes. C’est à la fois émouvant et drôle. Le sujet est original en plus. Merci Julie pour cette avant-première de la rentrée littéraire. 🙂
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Effectivement cet extrait met de suite dans le bain et la lecture est savoureuse ! Et franchement en ces temps un peu tristoune j’adore la manière dont l’auteure a décidé de nous présenter les choses ! Avec plaisir Frédéric 🙂
Merci à toi 🙏
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Des premières lignes intéressantes !
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Si tu as l’occasion de le lire, n’hésite pas 😉
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