il ne m’aime plus, là où je pensais que notre couple avait trouvé un nouveau point d’ancrage, loin de nos tempêtes passées, lui voyait une mer d’ennui

Cécile Tlili signe un roman sur la douleur de l’abandon, son acceptation, mais aussi cette recherche de liberté. Après un premier roman remarqué Un simple dîner, récompensé du Prix Gisèle Halimi 2023, elle continue de sonder l’intime et les moments de bascule dans les relations amoureuses.
Alice erre, comme un automate, après l’annonce de son mari d’une rupture qu’elle semble ne pas avoir sentie, ou qu’elle n’a pas voulu voir. Pour ne pas s’effondrer devant sa fille, elle choisit de partir, pour digérer. Dans sa quête de compréhension, elle croise le chemin de Siham, jeune femme au regard tendre, qui deviendra une présence salvatrice.
Avec une plume immersive, douce, parfois sensuelle, Cécile Tlili capte l’épuisement psychique avec une précision chirurgicale, tout en réalisme, avec par moment un sursaut d’espoir « Tant que je ne l’ai pas dit, ce n’est pas seulement arrivé.»
Portrait de femme avant tout, c’est un récit qui signe un besoin de se retrouver, de se redéfinir après avoir été en couple pendant des années et de s’être perdue dans une relation dans laquelle on ne trouve pas sa place, mais qu’il est confortable de maintenir, pour le confort, les enfants, le matériel. Rester, c’est se perdre un peu, partir c’est se retrouver, même si parfois cela se fait dans la douleur. L’auteure explore ces mécanismes des relations des couples installés dans une routine, dans laquelle il est difficile de ne pas tomber après des années.
J’ai trouvé intéressant que l’initiative de la rupture vienne de l’homme, non pas parce qu’il a rencontré une autre personne, mais juste parce qu’il ne trouve plus de sens à sa vie de couple. C’est assez rare, c’est très bien exploité et cela l’amorce la réflexion sur les envies et besoins d’Alice dans son couple, c’est donc un point de départ pertinent.

Ce désir de rupture, l’oblige à une introspection, sur ses désirs et sur la manière dont elle vit son couple. Ce qui est le plus compliqué, ce n’est pas d’en prendre conscience, mais de mettre les mots et regarder les choses en face. Il est plus facile de ne pas voir que d’affronter la réalité « … ce qui me fait crever aujourd’hui, ce n’est pas la mort d’un amour, c’est l’histoire de ces deux humains qui bâtissaient ensemble de dérisoires remparts contre le monde trop grand et trop hostile et qui abandonnent leur œuvre inachevée. Je n’ai pas besoin de grands mots ni de grands sentiments. Je voulais juste pouvoir m’adosser à Damien en regardant Romane faire des ricochets à la plage, je voulais compter sur cet ancrage, sentir l’odeur de sa veste en cuir se mêler à celle des embruns, sentir la chaleur de son corps derrière le mien, percevoir le contact de cette humanité à la fois étrangère et familière, qui serait toujours à mes côtés dans cette vie où l’on est immensément seul »
Finalement, la rencontre entre Alice et Siham, est l’occasion pour l’auteure d’explorer deux trajectoires, deux manières de se libérer, mais j’ai trouvé que l’histoire d’Alice se suffisait à elle-même, même si celle de Siham explore le désir d’émancipation d’une femme, sous la coupe d’une famille qui ne veut que la marier et dont le cousin l’épie, la traque, est certes un récit glauque, mais les trajectoires sont à l’opposé l’une de l’autre et le stéréotype, femme maghrébine qui doit se sauver pour vivre sa vie comme elle l’entend, m’a un peu dérangé. Même si cela existe et qu’il faut en avoir conscience, ici, je n’ai pas compris l’intérêt. Surtout que certains détails ne sont qu’esquissés plutôt qu’approfondis. Même s’il est vrai qu’il n’y a pas besoin, parfois de trop en dire, ici, cela aurait été intéressant d’exploiter un peu plus le sujet, surtout qu’au final, la fin ne concerne qu’Alice…
Malgré ce petit bémol, Cécile Tlili, réussie à parler de rupture sans en faire une tragédie et ça fait du bien. Car toutes les séparations ne se passent pas dans le conflit, même si la douleur est là.
Dans ce récit intimiste, Cécile Tlili laisse la place aux silences, aux réflexions, dans une langue qui préfère l’allusion à l’explication. « Je veux lui parler du tremblement de ma main posée sur la table, à qui j’interdis de se lever pour caresser sa joue. Je veux lui dire la sidération, je veux lui faire connaître le goût infect de la fin de l’amour. »
Je remercie les éditions Calman-Lévy pour leur confiance.
Parution : 20 août 2025 – Éditeur : Calmann-Lévy – Pages : 180 – Genre : Littérature française, introspection, rupture
Alice erre en Corse. Alice erre la nuit dans les rues animées d’une ville méditerranéenne. Comme un automate, elle se rend à son travail, avant de rejoindre le deux-pièces impersonnel qui héberge ses insomnies.
Alice fuit.
Quelques jours plus tôt, son mari lui a annoncé qu’il la quittait. Même pas pour une autre. L’ennui a pris le dessus dans une relation autrefois tumultueuse.
Pour ne pas avoir à affronter la réalité, pour ne pas s’effondrer devant sa fille, Alice fuit.
Jusqu’à sa rencontre avec Siham, une jeune femme, presque une adolescente, qui la recueille un soir d’ivresse.
Ju lit Les Mots
Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes
Catégories :Calmann-lévy, Contemporain, Littérature française

Le cœur invincible de Laurence Peyrin
J’ai beaucoup aimé l’écriture sensible et l’eloge de la sororité ! Un beau roman, en effet !
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Oui l’entraide est bien représentée, c’est vrai. C’est peut-être le seul point sur lequel je me suis le moins attardé. Mon prisme s’est focalisé sur la femme en rupture, comme quoi chaque lecture se vit selon son vécu 😉
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C’est ce qui fait la richesse de la lecture. Chacun fait vivre les mots écrits avec ce qu’il est ! Le thème de la rupture est aussi abordé dans le nouveau de Maria Porcher, Tressaillir, que j’ai bcp apprécié !
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Je l’ai noté, mais il sera pour plus tard 😉
La lecture est une richesse, tu as tout à fait raison !
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Merci Julie pour ce partage !
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🥰🌺
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Dommage pour ton bémol mais je note car c’est rare qu’un livre évoque ce thème de la rupture sans que cela devienne un drame larmoyant. Là ça semble traité avec humanité mais sans pathos.
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C’est un petit bémol, du à mon prisme, mais c’est quand même une très bonne lecture. Effectivement l’approche est différente et ça change
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Pas trop tentée par cette lecture, mais j’ai apprécié de lire ton avis 😉
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ça me fait plaisir 🙂 Toutes les lectures ne sont pas faites pour plaire à tous et tant mieux, la diversité rend les échanges passionnants 🙂
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je lirai ce livre , j’en suis certaine, le sujet m’intéresse et j’avais bien aimé son livre précédent.
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Bonne lecture alors 🙂
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Merci pour ta jolie chronique… perso je ne le lirai pas, un livre sur la rupture, non merci mais j’ai aimé ton évocation ! 🙂
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Je comprends Lilou, ce sont des sujets qui ne sont pas simples, pourtant ce livre est intéressant car la rupture se fait dans le calme malgré la douleur et en ça j’ai aimé 🙂
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Mmouais … Les destins croisés peuvent sentir le fabriqué, j’ai l’impression que c’est le cas dans ce roman …
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oui, franchement pour moi c’était inutile. Même si j’ai bien compris l’idée que cette rencontre va les aider chacune à s’émanciper, ce n’était pas nécessaire, car une femme peut en rupture se relève toujours…
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Ce n’est pas forcément le genre de lecture qui m’intéresse, mais bon, je disais pareil de « Divorce », et après avoir lu la chronique d’Aude, il s’est retrouvé dans ma wishlist. Alors, qui sait, peut-être que j’aurais envie de découvrir celui-ci aussi.
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Qui sait ! C’est un récit intéressant 🙂
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