Un livre, un extrait… L’Épouvantail de Dresde de Frank Goldammer

Heller avait littéralement été douché sur le trajet jusqu’à l’hôpital. Il avait retiré son manteau en espérant qu’il sécherait un peu sur le chauffage du secrétariat. Trouver un spécialiste disponible n’avait pas été chose simple. L’hôpital était plein à craquer, le personnel débordé. Les maladies les plus terribles circulaient actuellement, auxquelles s’ajoutaient chaque jour les blessés du front, des réfugiés en sous-nutrition, une épidémie de poux. L’inspecteur avait été convoqué dans le bureau du médecin, devant lequel il attendait depuis près d’une heure. Dehors, il faisait désormais noir. Max Heller remonta sa manche de chemise, regarda sa montre. La porte s’ouvrit à ce moment-là.

Il se leva, mais le médecin avança d’un pas décidé jusqu’à son bureau, passa la main sur sa blouse blanche et invita furtivement Heller à se rasseoir. Le Dr Alfred Schorrer, comme l’indiquait l’écriteau posé sur son bureau, s’enfonça dans sa chaise. Il devait être du même âge que lui ou un tout petit peu plus vieux. Il avait les cheveux très courts, une coupe militaire. Il portait une fine moustache, à peine plus qu’un trait argenté. Il avait les yeux gris, le regard clair et plein de considération pour son interlocuteur.

— Malheureusement, vous aviez vu juste. Il s’agit bien d’une de nos infirmières. Klara Bellmann. Il semblerait qu’elle soit arrivée à l’hôpital quasiment en même temps que moi, il y a trois mois. Elle travaillait à la clinique pour femmes.

Le Dr Schorrer reposa les bras sur l’accoudoir de sa chaise et joignit les doigts.

— J’ai bien peur que la jeune femme ait subi un véritable supplice, avant que le Seigneur ne lui accorde Sa clémence. Aucune de ses blessures ne semble avoir été mortelle. Le cœur est intact. Un poumon a été perforé, ce qui n’a pour seule conséquence que de remplir le ventricule concerné de sang. La victime meurt alors par suffocation très lente. On a beaucoup vu ça sur le front. Vous aussi, vous avez combattu ?

Heller s’éclaircit la voix.

— Oui, dans la guerre précédente.

Schorrer s’anima vivement.

— Moi aussi, j’y étais. 5e régiment de grenadiers de la Garde. Et vous ?

— 101e régiment de grenadiers, répondit Heller.

Il n’en dirait pas plus.

Schorrer sembla le deviner et revint instantanément au sujet.

— La blessure de la paroi abdominale est toujours très douloureuse, les profondes entailles dans les bras et les jambes aussi. Elle a dû crier, sauf si elle a rapidement perdu conscience. Elle est morte sous le coup du choc ou de l’hémorragie. La dernière hypothèse étant plus probable.

Schorrer tapota le bout de ses doigts entre eux.

Heller renonça à passer la main sur sa nuque, pour empêcher son incertitude de jurer avec la souveraineté du médecin. Mais il ne se sentait pas bien. Il frissonnait et se frotta les épaules. Il ne dormirait pas bien cette nuit, c’était sûr.

— Peut-on déterminer si elle était sous emprise d’alcool ? Ou autrement anesthésiée, inconsciente, paralysée ? Est-ce qu’elle s’est débattue ? Elle n’est quand même pas entrée dans le club nautique de son plein gré.

Schorrer se pencha un peu en avant, les yeux rivés sur un formulaire.

— Une prise de sang a été faite, rétorqua-t-il brièvement. D’autres questions ?

— Vous dirigez ce département ? On m’a dit que vous étiez pathologiste.

— Tout à fait. Mais la situation exigeant des mesures particulières, j’exerce au-delà de mon domaine de compétences.


Parution : 18 septembre 2024 – Éditeur : Le Masque – Pages : 320 – Genre : policier, polar, littérature allemande,

Novembre 1944. Le régime nazi est proche de l’effondrement et la ville allemande de Dresde ploie sous la violence de la pauvreté. Sans compter les rumeurs racontant qu’un être effroyable, à peine un homme, rôde la nuit dans les rues désertes. Lorsqu’on découvre le corps mutilé d’une infirmière dans un cabanon désaffecté, les habitants murmurent aussitôt que c’est l’œuvre de l’Épouvantail.

Max Heller, inspecteur de la brigade criminelle, est déterminé à trouver une explication rationnelle à ce crime, mais la police n’a plus de moyens, et son chef, un SS impitoyable, ne lui épargne rien. Entre la gestion laborieuse des réfugiés en surnombre, le rationnement et les fréquentes alertes aériennes, Heller glane péniblement quelques indices. Mais quand on trouve le corps d’une deuxième femme, il commence à prendre au sérieux la menace de l’Épouvantail…


Ju lit les mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Contributrice journal 20 minutes – Membre the funky geek club




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6 réponses

  1. J’attends ta chronique pour voir si ma wish va encore plus tirer la gueule ou pas 🙂

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  2. Intéressantes ces quelques lignes. Comme Miss Belette, j’attends ta chronique pour prendre une décision 😉. Mon carnet se remplit comme … comme je ne sais pas trop … mais il se remplit et mon bic 4 couleurs est l’agonie !!

    Merci Julie 😊

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Répondre à belette2911 Annuler la réponse.

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