Le mouvement vient de l’intérieur du pays : c’est un cri de désespoir parti des villes désolées, un cri de rage qui atteint les cités du littoral, enfin, un cri étouffé par la police, dans la capitale. Nous entendons des murmures qui chargent le ciel d’un vent violent, des bruissements qui chargent les rues d’une foule noire en colère, une clameur qui dit : Tunis change. Aujourd’hui, tout se transforme, même la géographie, même le ciel, même les branches de jasmin qui étaient mon royaume quand j’étais enfant.

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, 26 ans, s’immolait par le feu à Sidi Bouzid, petite ville située dans le centre de la Tunisie. Cet acte a déclenché la révolution dite du jasmin et entraîne dans son sillage le printemps arabe.

Le 14 janvier 2011, je suis scotchée devant mon écran de télévision, mon téléphone entre les mains et je suis inquiète et fébrile en même temps. J’oscille entre cette inquiétude pour la famille et les amis sur place, et cette joie larvée, cette excitation pour un peuple qui se soulève et qui enfin dit non ! Non à des années d’injustices, de peurs, de silences… J’ai connu ces peurs, ces silences, cette injustice… Et même si je suis à des kilomètres, tranquillement en France, j’aurais voulu vivre ça aux côtés de ceux que j’aime et j’ai encore aujourd’hui, une pensée particulière pour toutes les victimes, pour tous mes amis…

Premier roman de Hella Feki, Noces de jasmin, mêle subtilement l’intime et le politique. Dans ce récit, l’auteure plonge ses personnages, et ses lecteurs, au cœur de la révolution tunisienne de 2011, tout en explorant des révolutions personnelles et intérieures. C’est un roman qui se lit avec une profonde admiration pour la force des convictions, la quête de liberté, et les défis auxquels chacun fait face, qu’ils soient individuels ou collectifs.

À travers le regard des personnages, nous découvrons un pays en pleine transformation, en pleine révolte qui ne souhaite qu’une chose se reconstruire, avec une justice et un avenir meilleur pour tous. Mais au-delà des manifestations de rue et des cris de liberté, Noces de jasmin nous invite aussi à suivre le cheminement intérieur des personnages et la nécessité de se redéfinir dans un contexte qui échappe à tout contrôle.

Hella Feki décrit avec une grande sensibilité le parcours de ses personnages dans un pays où les tensions sociopolitiques influencent les choix individuels.

Les descriptions sont délicates, presque sensorielles, avec une attention particulière aux détails, les sons, et les couleurs de la Tunisie en pleine ébullition. Chaque scène est peinte avec finesse, et l’auteure réussit à capturer l’effervescence des rues tunisiennes tout autant que les tumultes intérieurs de ses personnages. L’écriture reflète l’âme du pays, tout en restant accessible et fluide. Avec une plume rythmée, l’auteure nous entraîne au cœur de ces moments d’une grande intensité, mais aussi dans ceux plus introspectifs.

Chaque personnage devient le miroir des aspirations d’un peuple, tout en incarnant une lutte plus universelle pour l’émancipation personnelle. Le contexte politique tunisien est traité avec justesse, sans manichéisme, et les interactions entre les personnages sont marquées par une grande profondeur psychologique. Le choix de mêler les événements de la révolution à une intrigue plus personnelle donne au récit une dimension humaine et profondément émouvante.

Noces de jasmin est un roman à la fois intime et universel, qui rend hommage à la force de ces femmes, ces hommes, ce peuple en lutte pour leur liberté. Hella Feki, avec une plume délicate et puissante, nous livre un récit émouvant sur la quête de soi dans un monde en transformation. Ce livre nous transporte dans un moment charnière de l’histoire tunisienne, tout en nous rappelant que les plus grandes révolutions sont parfois celles qui se jouent en nous-mêmes.

Parution : 26 août 2020 – Editeur : JC Lattès et Le livre de poche – Pages : 220 – Genre : dictature, révolution du jasmin, révolution tunisienne, littérature française,

Janvier 2011. Les journaux sont censurés, les informations se diffusent sur Internet et un murmure parcourt la Tunisie : la rue gronde. Mehdi, un jeune journaliste, tourne en rond dans sa cellule, sans savoir ce qu’il va devenir. La Cellule, elle, sait tout, elle a vu ce que les geôliers ont fait aux autres prisonniers. Dehors, Essia s’inquiète de la disparition de Mehdi, son nouvel amour. Elle part à Sfax, sa ville d’origine, pour tenter de le retrouver. À Tunis, Yacine, le père d’Essia, se rappelle l’indépendance. D’ailleurs, il a mal sous le pied gauche, comme au départ des Français en 1956. Mehdi est encore le seul à le comprendre : c’est une révolution.

Hella Feki décrit la révolution de jasmin de l’intérieur, avec une écriture puissante, évocatrice, sensuelle. Ses personnages racontent leurs espoirs, leurs blessures, leurs peurs, leurs défaites, leurs envies de tout changer. De tout casser. Pour mieux reconstruire.

Ju lit les mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Contributrice journal 20 minutes – Membre the funky geek club

Catégories :Contemporain, J.C. Lattès

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