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Une révolte tunisienne : La légende de Chbayah de Aymen Mbarek et Seif Eddine Nechi

Par Ju lit les mots le 20/12/2024 • ( 20 )

– La mort, ce n’est pas la fin du chemin. C’est la porte de la vie éternelle.
– La mort c’est la mort !
– Non, mon ami. La mort rend les braves éternels et condamne les lâches à l’oubli.
– Pas sûr d’avoir compris, mais c’est bien dit…

À la fin du mois de décembre 1983, en application des directives du Fonds monétaire international, le gouvernement tunisien annonce la suspension des subventions accordées aux produits céréaliers. Cette mesure, qui a pour effet immédiat une hausse importante des prix des denrées alimentaires de base, provoque une vague de mécontentement parmi les milieux les plus démunis du pays. Le marché hebdomadaire de la ville de Douz, au sud de la Tunisie, est le théâtre des premières manifestations organisées contre cette décision. La répression policière que rencontre la contestation naissante entraîne une escalade de la violence. En quelques jours, les affrontements gagnent tout le pays et se transforment en une véritable insurrection populaire, qui restera dans l’histoire sous le nom d’« émeutes du pain ».

Pendant plusieurs jours, les affrontements sont intenses, la capitale est à feu et à sang et l’armée est réquisitionnée.

Au cours de ces émeutes, entre le 30 décembre 1983 et le 6 janvier 1984, les habitants de la capitale découvrent une radio pirate animée par un personnage caché derrière le pseudonyme de « Chbayah » (« petit fantôme » en dialectal tunisien), qui va perturber les forces de l’ordre en diffusant des informations erronées dans leurs communications radio et en les narguant à longueur de journée. Qui est cet inconnu irrévérencieux ? Devenu une vraie légende urbaine, « Chbayah » reste un mystère non résolu encore aujourd’hui.

En imaginant ce roman graphique, Seif Eddine Nechi et Aymen Mbarek, tentent de donner vie à ce personnage, tout en explorant l’aspect historique en toile de fond.

Durant ces quelques jours, la répression est sévère, les snipers tirent à balles réelles sur les manifestants. Le mouvement prend de l’ampleur, pour finalement s’étendre aux grandes villes de Gabès, Sfax et enfin, Tunis, où des dizaines de personnes sont tuées les 2 et 3 janvier 1984. L’état d’urgence est proclamé ainsi qu’un couvre-feu. Le 6 janvier, le Président Habib Bourguiba annule les augmentations.

Avec des illustrations sombres tout en finesse, les auteurs ont donné vie à un évènement marquant de l’Histoire politique tunisienne, tout en le parsemant d’humour. Le graphisme s’adapte à chaque époque évoquée, ce qui rend la lecture très agréable et immersive, même si les dessins peuvent surprendre.

Une révolte tunisienne : La légende de Chbayah est un roman graphique qui parvient à mêler la rigueur historique à une narration passionnée. Seif Eddine Nechi nous livre une œuvre forte, ancrée dans l’Histoire, mais porteuse de thèmes intemporels. Une lecture à ne pas manquer pour découvrir une page très intéressante de la Tunisie.

Parution : 28 janvier 2022 – Editions : Alifbata – Pages : 224 – Genre : roman graphique, historique, thriller historique, politique, révolte – Illustrations : Seif Eddine Nechi – Traduction : Marianne Babut – Scénariste : Aymen Mbarek

Tunisie, 1984. Le gouvernement annonce l’augmentation du prix des céréales, déclenchant une insurrection populaire qui enflamme le pays. Durant ces Émeutes du Pain, les Tunisiens découvrent une radio pirate animée par un mystérieux personnage qui sème la zizanie parmi les forces de l’ordre. Qui se cache derrière cette voix irrévérencieuse bientôt devenue une véritable légende urbaine ? À travers Selim et son grand-père, les auteurs imaginent un duo aussi attendrissant qu’héroïque. À l’aide d’un vieux talkie-walkie trafiqué, les deux complices détournent les communications policières, sabotant les opérations de répression avec une insolence et un humour libérateurs pour tout un peuple. Dans ces planches à l’aquarelle aux styles graphiques riches et variés, les auteurs reviennent sur un demi-siècle d’histoire tunisienne, de la Seconde Guerre mondiale à la fin du règne autoritaire de Bourguiba, en passant par la violente répression de l’opposition de gauche dans les 1970.