
L’instinct amoureux.
Lorsque la sensation au bout de son pied eut suffisamment transité dans les méandres de son inconscient pour envahir la conscience, et lui intimer des pensées plus fortes que les rêves, elle émergea. Lentement. Chaleur… pied… peau… Thierry était là, avec elle, dans le lit. Les orteils de Claire étaient posés contre son mollet, elle le sentait.
Ce rituel qu’ils avaient d’essayer de ne jamais perdre le contact, la nuit, même si c’était du bout des doigts, juste ce qu’il fallait pour sentir l’autre, rester connectés.
Thierry était finalement rentré. Ça ne lui arrivait pas souvent de changer ses plans au dernier moment, il était plutôt du genre prévisible, mais si c’était pour une bonne surprise alors tant mieux.
Claire était sur le point de se rendormir, elle sentait qu’elle pouvait encore repartir profondément si elle débranchait immédiatement, pourtant elle était tentée de se retourner pour prendre son homme dans ses bras, ramper jusqu’à le sentir tout entier contre elle, même si cela risquait de la réveiller tout à fait. Trop tard, je le suis. Elle se sentait groggy de fatigue.
Quelle heure était-il ? Par réflexe, et aussi parce qu’elle savait que si elle ne regardait pas maintenant elle n’allait penser qu’à ça jusqu’à finalement céder, Claire tendit le bras vers son téléphone portable, branché sur la table de chevet. Presque deux heures du matin. Elle n’était pas couchée depuis si longtemps…
Elle avait reçu un SMS de Thierry entre-temps.
Quel intérêt puisqu’il dormait à côté d’elle ?
C’était plus fort qu’elle. Curiosité maladive ou addiction au portable, Claire consulta le message. Son homme l’informait qu’il était bien rentré à sa chambre d’hôtel et il lui souhaitait une bonne nu… Claire termina de se réveiller brutalement. Elle fixa l’heure de l’envoi du message : 1 h 12. C’était impossible. Thierry ne pouvait pas être là-bas il y a moins d’une heure et dans leur lit maintenant…
La chair de poule la saisit entièrement. Non. Non… ce n’était pas ça… Dans son dos, elle sentit l’autre se redresser lentement. Elle déglutit. Elle n’osait pas se retourner, traversée par un froid paralysant. La réalité s’imposait à elle lentement, recouvrant toutes ses facultés de réaction d’une gangue de terreur glacée, la contraignant à ne pas bouger. Dans son esprit, les déductions filaient en tous sens. Si ce n’était pas Thierry dans le lit, avec elle, alors qui était ce ?
Personne n’avait les clés ! Elle perçut un son mouillé et le reconnut aussitôt. Celui de lèvres qui se décollent et s’ouvrent, d’une bouche qui s’élargit. L’autre dans son dos était à présent assis derrière elle et… il… IL SOURIT !
Claire se mit à trembler. Elle devait agir, appeler les flics ou jeter ce qu’elle pouvait au visage de l’intrus, mais elle n’en était pas capable. Après toutes ces heures à imaginer le pire, à anticiper ses propres réactions face à l’horreur, elle se révélait tétanisée par la peur.
L’autre se pencha sur elle et Claire sentit l’odeur de son corps, qu’elle devina nu. Ce n’était pas Thierry et ce parfum rance, de transpiration presque animale, lui donna un haut-le-coeur. C’était le signal. Celui de sa survie. Maintenant ou mourir. Elle se hissa sur un coude avec l’intention de gicler du lit, mais l’autre se jeta sur elle et l’écrasa de tout son poids. Et avec des gestes sûrs, il lui recouvrit la bouche de sa main moite et pesa de toutes ses forces dessus pour la museler. L’étau se resserra d’un coup, avec une habileté terrifiante, comme s’il disposait de plus de membres que nécessaire, un enlacement constricteur se refermant sur sa proie, ne lui laissant aucune chance.
Dans le halo de son téléphone portable encore allumé, Claire discerna le haut du visage de son agresseur. Elle vit ses yeux noirs, profonds comme des abîmes sans fond. Sans vie. Le même regard qu’un requin blanc en chasse. Celui d’une machine à tuer.
La lueur du portable disparut brusquement et Claire se recroquevilla le plus loin possible en elle-même. Les muqueuses du prédateur claquèrent, puis s’étirèrent avec un bruit humide. Claire voulut hurler, à en saigner, à s’en fendre la gorge, beugler pour son salut, une prière phénoménale et douloureuse pour repousser la géhenne. Néanmoins, aucun son ne remonta de sa cage thoracique comprimée.
À la place, un spasme terrifiant, une brûlure mouillée au sein, un déchirement sanglant et abominablement cuisant. Le requin l’avait mordue. Et elle savait ce qui allait suivre. Il était trop tard pour le fuir à présent. Il allait l’entraîner le plus bas possible avec lui, jusqu’à ce qu’elle s’épuise. Puis il la dévorerait dans le calme et la torpeur des abysses aveugles. Et il n’y avait plus rien qu’elle puisse faire pour l’en empêcher.
Encore vivante, et pourtant déjà morte.
Parution : 2 novembre 2022 – Éditeur : Albin Michel – Pages : 448 – Genre : thriller, thriller psychologique, polar, tueurs en série
Ils l’ont surnommé Charon, le passeur des morts. De son mode opératoire, on ignore tout, sauf sa signature, singulière : une tête d’oiseau. Il n’a jamais été arrêté, jamais identifié, malgré le nombre considérable de victimes qu’il a laissées derrière lui. Jusqu’à ce que ses crimes resurgissent du passé, dans les profondeurs d’une mine abandonnée… Plongez avec Ludivine Vancker dans le Département des Sciences du Comportement, les profilers, jusque dans l’âme d’un monstre.
Catégories :Un livre, un extrait...
Argl ! On est mal, là !
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ça donne le ton 😉
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La chair de poule va bien avec halloween. Bisous 😻
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On reste dans le thème 🙂 Bises
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🎃
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