Mauvaise Mer de Jérôme de Verdière

Il regarde droit devant lui. Ne peut plus faire machine arrière. Les marins prétendent que la terre les refoule mais il n’est pas dit non plus que la mer les accueille. Il ne peut plus changer de cap. C’est trop tard.

Je ne connaissais pas Jérôme Verdière, ni l’auteur, ni le journaliste, c’est donc seulement sur la base du titre que j’ai eu envie de découvrir ce livre. Lorsque je l’ai refermé, j’ai voulu en apprendre davantage sur l’auteur et j’ai constaté que c’était don deuxième roman. Je ne sais pas si je lirais son premier La Robe, mais en tout cas celui-ci m’a vraiment beaucoup touché.

Ce ne sont pas tant les mots, la haine que se jettent ses deux femmes, Élisabeth, Simone, mère et fille qui surprennent, mais c’est le fait qu’elles ne sachent pas se parler, n’ont pas appris à s’aimer, s’accepter….

L’une trop prise par son chagrin au point qu’il l’ait englouti pendant 35 ans, au point que plus rien n’existe autour d’elle, même elle-même. A ses côtés, cette enfant, spectatrice de la déchéance maternelle, a appris à s’en désintéresser au point de n’être que le souffre-douleur, au point d’accepter de l’être, en apparence, par devoir ? Par amour ?

Même si au début la relation mère-fille peut déstabiliser le lecteur, les joutes verbales en deviennent vite la marque, malgré l’aigreur des mots, la sensibilité des phrases, les silences sont parfois lourds mais jamais pesant. Ces silences constructeurs malgré tout, permettent au lecteur d’être spectateur d’une relation qui peut sembler toxique, mais où chacune cherche sa place, cherche à déconstruire 35 ans de non-dits, pour construire enfin les bases d’une relation somme toute pleine d’amour.

Ma mère, elle a quelque chose
Quelque chose de dangereuse
Quelque chose d’une allumeuse
Quelque chose d’une emmerdeuse

Dans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière

Arnold Hintjens – Arno – chanteur et acteur belge

Car ici, il est bien question, d’amour, de pardon, de résilience, même si les mots sont âpres, durs, parfois d’une cruauté choquante, ils ne sont là que pour apaiser et enfin comprendre.

C’est à la fois l’envol d’une femme de 40 ans, Simone, qui a cherché à fuir un climat délétère, mais que la vie n’a fait que ramener vers cette mère vieillissante pour enfin comprendre. Mais c’est aussi, la révélation d’une femme, Élisabeth, prise par ses sentiments, son amour qui aura passé 35 ans de sa vie à attendre un mari mort en mer, en allant tous les jours s’asseoir sur un muret, face à l’Océan. Ce qu’elle y fait ? Rien. Elle attend, figée, le retour de son mari parti au large des côtes bretonnes et jamais revenu.

Ce mari absent est pourtant un personnage à part entière, puisqu’il prend toute la place au point de ne pas en laisser aux vivants. Vivantes, mais mortes, dans une atmosphère que l’on sent peu à peu se dégriser au fil du récit, à l’image de la relation mère en fille devenant plus apaisée.

En étant obligé de se regarder, s’écouter, elles vont chacune comprendre ou aider à la compréhension de cette vie ratée. Mais ratée n’est pas le bon mot. Je dirais plus une vie à se tourner autour sans jamais se rencontrer.

La fin du livre m’a vraiment beaucoup touchée, et si vous voulez savoir si ces deux femmes, mère et fille, ont enfin pu se rencontrer, je vous invite à lire Mauvaise Mer un jeu de mots très intéressant entre la mer qui prend tout toujours mauvaise, et la mère que l’on pourrait tenter de qualifier de mauvaise, mais qui ne l’ai pas tant que ça.

C’est à la fois un livre fort sur les relations mère enfant, sur les non-dits, le poids de mots, mais c’est aussi un texte fort jubilatoire, cynique où les mots sont parfois comme des coups de scalpels que l’on aimerait peut-être dire, mais que l’on n’ose pas…

Ça sort aujourd’hui, chez le Cherche midi et c’est à lire !


Parution : 25 avril 2024 – Éditeur : cherche Midi – Pages : 345 – Genre : contemporain, amour filial, relations mères filles, enfance

Un face-à-face aussi dérangeant que poignant entre une mère et sa fille.

Voilà plus de trente ans qu’Élisabeth va tous les jours s’asseoir sur un muret, face à l’Océan. Ce qu’elle y fait ? Rien. Elle attend, figée, le retour de son mari parti au large des côtes bretonnes et jamais revenu. Sa fille Simone est désespérée de voir ainsi sa mère perdre la raison. Elle avait cinq ans quand le bateau paternel a quitté le port pour la dernière fois. Avec lui s’en sont allées une vie de famille normale, et une mère normale.
Difficile, alors, de construire une vie puis d’acquérir son indépendance. À quarante ans passés, Simone demeure comme à la veille d’une existence qui tarde à démarrer. D’autant que sa mère n’est pas tendre avec elle. Une « pauvre folle », pense-t-on par ici. Une femme acariâtre et vénéneuse qui vit dans le ressentiment. Une mauvaise mère, certainement…
Mais est-ce seulement vrai ?
Sur le thème des douleurs enfouies et des non-dits obsédants, Jérôme de Verdière compose un face-à-face aussi dérangeant que poignant entre une mère et une fille que tout oppose. Un duel homérique et inoubliable.


Ju lit Les Mots

– Blog littéraire – Critiques littéraires – Co-fondatrice Prix des auteurs inconnus – Membre the funky geek club – Contributrice journal 20 minutes –




Catégories :Cherche midi, Contemporain

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22 réponses

  1. Merci Julie pour ce partage et ce bel avis tout en subtilité. Un sujet difficile traité dans ce roman, auquel tu rends un bel hommage. Je ne connais pas l’auteur, merci pour la découverte (même si je ne suis pas certaine d’accrocher à ce type de roman).

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  2. Ce roman semble t’avoir touché mais je crains qu’il ne soit pas pour moi, je vais être prudente, je passe mon tour pour ce livre. Mais merci pour cette belle chronique 😊

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  3. Il a l’air très touchant ce roman et l’angle d’approche de la relation fille-mère intéressant et complexe.

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  4. Avatar de ducotedechezcyan

    ça semble intéressant, mais je crois que ça sort un peu trop de ma zone de confort pour me plaire. Je me rappellerai de ce titre si je suis tentée par une lecture de ce genre, par contre 😉

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  5. Pssit, le lien que tu as mis chez Livraddict est mauvais (tu as collé un texte au lieu du lien). Je suis à la modération des chroniques, je viens de le voir, alors, je te préviens pour que tu corriges (traitement de faveur) 🙂

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  6. Une histoire de blessure(s), de résilience aussi, qui semble émouvante. Le synopsis me rappelle un roman que j’ai lu la semaine dernière, avec une vieille dame qui attend chaque jour sur un banc le retour de son fiancé depuis qu’il est parti à la fin de la guerre.

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Rétroliens

  1. Bilan lectures avril 2024 – Ju lit les mots

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